La première mouture du handball en fauteuil roulant au centre de rééducation fonctionnelle de Fontainebleau (Seine-et-Marne) en 1955 n’a pas résisté longtemps à l’arrivée du handibasket. Mais le hand fauteuil a ressuscité au début des années 2010, comme l’explique Julien Loiseau, président de l’US Joué-Lès-Tours (Indre-et-Loire) : « La Fédération Française de Handball (FFHB) a lancé l’idée d’ouvrir des sections handisport, alors que la Fédération Française Handisport (FFH) estimait délicat de créer un second sport collectif. » Les capacités physiques requises sont en effet assez proches, avec toutefois moins de force physique requise pour le handball, ce qui permet à des joueurs moins puissants de profiter de ce sport. De plus, la FFHB développe également un handball adapté aux joueurs déficients intellectuels, dans une action nationale nommée Hand’Ensemble. « La Fédération laisse l’initiative aux clubs qui s’organisent, avec des tournois interrégionaux et régionaux, poursuit Julien Loiseau. Pour le hand adapté, on a intégré le championnat de la Sarthe organisé par la ligue des Pays de Loire. »
Une partie de handball fauteuil se déroule en trois tiers temps d’un quart d’heure, par équipes de cinq joueurs de terrain plus un goal, sur un terrain classique de handball. Comme en debout, l’objectif est marquer plus de buts que l’adversaire. Le possesseur du ballon peut réaliser jusqu’à trois poussées de roues (contre deux au handibasket) entre un drible, une passe, un tir. Il y a passage en force et faute lorsqu’un attaquant va au contact d’un défenseur immobile. Valides et handis jouent ensemble, sans classification du niveau de handicap, filles et garçons mélangés, sur des fauteuils de sport. Côté moyens, il est nécessaire d’avoir une bonne motricité des membres supérieurs et du tronc, ce qui limite les possibilités pour les personnes atteintes d’une paraplégie haute. Côté matériel, les fauteuils sont la propriété des clubs, comme le précise Julien Loiseau : « On fait appel aux financeurs habituels, le CNDS, le Conseil Régional, des entreprises, des clubs, des fondations, etc., on fait valoir notre sérieux. On doit toujours monter des dossiers pour obtenir des subsides, mais c’est plus facile qu’en handisport. »
« En région Centre, explique Jérémie Perrin, en charge du Hand’ensemble pour la Ligue régionale de la FFHB, nous avons quatre sections Hand’Ensemble fauteuil roulant dans des clubs classiques. Il n’y a pas de compétition officielle mais des entrainements et des matches en loisir, des tournois au niveau régional et national, un championnat amical en quelque sorte. » Avec toutefois l’envie de certains joueurs d’évoluer vers un sport de compétition, fort de 120 sections Hand’ensemble sur toute la France. Et la perspective d’un transfert de prérogatives entre la FFHB et la FFH, en discussion au ministère des Sports. La FFHB a la volonté de le négocier, alors que la FFH ne veut pas se diversifier. Résultat : le handball handisport est bien développé dans les pays nordiques et l’Allemagne, mais inexistant en France…
Joueuse valide de l’US Joué-Lès-Tours, Marie-Claude Varvoux, aide-soignante à domicile auprès de personnes lourdement handicapées, est la responsable de Hand’Ensemble pour ce club : « Passer de la position debout à la position assise interpelle certains sens, pour prendre des repères, tirer, faire des passes. Récemment, des collégiens qui participaient à une action de sensibilisation ont été marqués par le fauteuil roulant. » La section Hand’Ensemble compte 23 joueurs dont huit handicapés et trois en fauteuil roulant : « On est une équipe soudée, familiale, on ne se pose pas de questions. On a tissé des liens », explique-t-elle simplement. Pour bien adapter la pratique, le club s’appuie sur les kinés et ergothérapeutes d’un proche centre de rééducation, par exemple pour réaliser des sangles sur mesure.
Autre joueur de l’US Joué, Victor Dotane, polio âgé de 47 ans, est ravi d’avoir opté pour le hand fauteuil : « Je faisais du handibasket en compétition régionale. Il y a quatre ans, je voulais essayer un autre sport, une autre cohérence. Le hand fauteuil est un chainon manquant entre le handibasket et le rugby fauteuil mais pas en handisport : il n’y a pas de compétition, le hand fauteuil n’est pas paralympique. Il y a une autre ambiance, c’est un sport d’équipe qui repose moins sur la performance individuelle. On peut moins imposer sa force physique, le hand laisse leur chance aux moins puissants et aux petits gabarits. Je le conseille à tous, en sachant que l’apprentissage est plus aisé que le basket, on tire plus facilement au but qu’au panier. » Victor Dotane apprécie également la mixité, qui a un effet apaisant : « Les femmes maintiennent un caractère bon enfant. Elles ont plus de lucidité, calment le jeu, réduisent les montées d’hormones masculines, entrainent moins d’agressivité ! »
Il participe toutefois au tournoi Handi’amo, quasi-compétition nationale entre une dizaine d’équipes le temps d’un week-end : la troisième manche s’est déroulée les 17 et 18 février derniers à Lyon (Rhône). Les valides sont admis à la condition qu’il y ait toujours au moins deux joueurs handicapés sur le terrain dans chaque équipe; l’une des raisons de ce panachage provient d’un manque de pratiquants handis. L’objectif est de créer une équipe nationale handisport « sexuée », certainement masculine, par la multiplication des tournois pour sélectionner les meilleurs. Et finalement intégrer la Fédération Française Handisport dans l’espoir que le handball fauteuil devienne paralympique pour les Jeux de Paris 2024. Entre sport de loisir et de compétition, le handball semble à la croisée des chemins.
Laurent Lejard, mars 2018.