750 mètres à la nage, 20 kilomètres à vélo ou handbike et 5 km en course à pied ou fauteuil d’athlétisme, l’ensemble enchainé et chronométré, tout le monde ou presque peut faire du triathlon. S’il est pratiqué par des handisportifs depuis sa création, la première épreuve spécifiquement dédiée date de 2002. Le paratriathlon est une discipline de haut niveau depuis 2013, il a été admis aux Jeux Paralympiques lors de ceux de Rio 2016. Selon la nature du handicap des participants, des adaptations sont mises en place, tels des « handlers » (« porteurs » en bon français) qui aident les paralysés ou amputés à sortir de l’eau pour aller s’asseoir et changer de tenue, ou des guides pour malvoyants ou aveugles. Mais c’est bien un sport intégratif, organisé uniquement par la Fédération Française de Triathlon qui met ses moyens à la disposition des handisportifs.
Toutes les personnes en capacité de nager, pédaler et courir peuvent pratiquer le paratriathlon en loisir ou compétition (y compris le championnat de France), quel que soit leur handicap. La règle est plus stricte au niveau international qui comporte une classification des handicaps : ParaTriathlon WheelChair (catégorie fauteuil), natation – handbike – fauteuil de course, ParaTriathlon Standing (debout) natation – vélo – course, ParaTriathlon Visuel Impairment (aveugles et malvoyants) natation avec guide – tandem – course avec guide. Les distances varient en fonction des capacités, de la plus courte XS à l’Iron Man. En loisirs, on pratique en accompagné, relais handi, relais mixte handi-valide, rando triathlon, animathlon, duathlon, aquathlon, Bike and Run, swim run, raid multisport, des variantes pour se faire plaisir.
Le club de Montélimar Triathlon (Drôme) est l’un des plus dynamiques dans l’accueil d’handisportifs : créé en 2002 avec une cinquantaine de licenciés, il en compte actuellement 180 dont une dizaine handicapés qui enrichissent la pratique des autres. « En 2014, explique le président du club, Patrice Barthoux, on a accueilli une première paratriathlète infirme motrice cérébrale, qui faisait de la natation en compétition. Grâce à une bénévole, elle a progressivement découvert le vélo et la course à pied, une discipline qui la gène à cause de ses problèmes de coordination. Elle a fait son premier triathlon avec l’aide de cette bénévole, on l’a intégrée très vite au club, son humour a fait le reste ! De ce fait, on a voulu ouvrir à d’autres personnes handicapées. En 2015, on a accueilli un tétraplégique, un paraplégique et un mal-marchant. Grâce à l’agglo, on a obtenu une ligne d’eau réservée pour eux à la piscine. Au terme de la première année d’expérience on a constaté qu’ils étaient un apport important pour les autres sportifs, les dirigeants, les éducateurs. On se transcende, on ne se plaint plus ! Et on a continué d’ouvrir en accueillant une aveugle, un trisomique, un déficient intellectuel, un amputé, et un autre paraplégique. »
Le club a su tisser des partenariats avec le club handisport de Montélimar, organiser des journées découverte, s’est rapproché de Sport Adapté, fait participer des personnes autistes, a un partenariat avec une associations de personnes trisomiques, marquant une volonté de promouvoir le triathlon dans toutes ses dimensions. « Ce qui est surprenant, ajoute Patrice Barthoux, c’est qu’ils sont tous venus en loisir et ont tous des désirs de compétition. L’homme tétraplégique incomplet a fait 3e au championnat de France, il a en entrainé d’autres dans cette voie-là. » Le club s’est adapté et aide les paratriathlètes à acquérir le matériel nécessaire, qui est assez onéreux, handbike et fauteuil d’athlétisme, en mobilisant les financeurs habituels : clubs-services, région, département. Les handisportifs disposent également d’entraineurs pour individuels ou petit groupe, et d’une quinzaine de bénévoles. « Ça crée des vocations et des satisfactions, conclut Patrice Barthoux. Deux bénévoles guide pour non-voyant vont accompagner des triathlètes pour les Jeux de Tokyo 2020. La fédération de triathlon voudrait qu’on serve d’exemple mais je sens bien que ce sera long de transmettre le message au niveau national… Des dirigeants se demandent comment intégrer le paratriathlon dans leur club, s’interrogent, ça fait peur lors d’une épreuve pour accueillir des handis. Nous, on va voir les organisateurs pour expliquer comment adapter l’épreuve, et ça se passe bien. » Le club a d’ailleurs réalisé des fiches de bonnes pratiques concernant l’accueil, les journées découvertes, les épreuves.
Licencié au club de Montélimar, Hugues Terrapon, paraplégique, pratique depuis quatre ans après s’être adonné au handbike loisirs pendant 15 ans. Il était pourtant « peu branché » par la natation mais continue la compétition, à 62 ans : « J’en ai fait toute ma vie, même avant mon accident. Dans le triathlon, je suis tombé sur des gens tellement sympathiques que ça m’a encouragé. Oui c’est possible, tu fais à ta façon ! » Il estime sa morphologie moyennement adaptée au sport qu’il pratique, la compétition mais pas l’exploit : « Je me suis engagé rapidement en compétition après m’être initié. En paratriathlon, il est assez logique de faire de la compét’. Je reste en national, trop vieux pour l’international ! » Ce qui le fait courir ? « Le plaisir d’être considéré comme un sportif à part entière, et d’être au milieu des autres, c’est une chaleur humaine. »
Autre approche, professionnelle celle-ci, avec Ahmed Andaloussi qui s’est mis au sport après un accident de la circulation en 1993 : « Mon premier kiné m’a dit que si je voulais m’en sortir, il fallait que je fasse du sport, pour effectuer les transferts par exemple. Mon premier sport a été la course en fauteuil roulant, puis j’ai fait du handibasket en Nationale 1, de l’escrime fauteuil entre 2008 et 2012, et de la natation. J’avais un vieux handbike dans le garage, j’ai trouvé dans un magasin un fauteuil d’athlétisme, je me suis dit que je pouvais faire du triathlon, c’est comme ça que j’ai commencé, en faisant un pari avec un collègue ! » Il a bouclé son premier triathlon à Bordeaux en 2013 en 1h35, maintenant c’est dans le XL, également dénommé « Iron Man », qu’il concourt au plus haut niveau international : il participera en octobre 2018 au championnat du monde, à Hawaï. Là, c’est 3,8 km à la nage, 180 km à vélo ou handbike puis un marathon pour finir, à pied ou fauteuil d’athlétisme. Exploit sportif ou loisir, tout le monde peut trouver le triathlon qui lui va bien !
Laurent Lejard, juin 2018.