Question : Quel est, pour la Fédération Française Handisport, le bilan des Jeux Paralympiques d’hiver de Pékin ?
Frank Bignet : Sur le plan du classement, la France se maintient au 4e rang des nations participantes, avec la capacité d’avoir davantage de sportifs titrés. Sur quatre disciplines, on a 7 médailles d’or gagnées par 4 sportifs au lieu de 2 à PyeongChang 2018. Ça donne un petit plus d’assise. Même si le nombre total de médailles est inférieur aux jeux de Corée [20 dont 7 d’or, 8 d’argent et 5 de bronze], le bilan reste positif, avec 12 médailles comme à Sotchi en 2014. Cela malgré la crise sanitaire qui nous a empêché d’aller sur les sites avant les compétitions, un avantage concurrentiel pour le pays hôte puisque ses sportifs ont pu s’y entraîner, et des interrogations sur les classifications de ses sportifs. Ce sont des bons Jeux pour la Fédération, ça doit nous mobiliser pour les quatre années qui viennent. Il nous reste à faire le bilan avec les sportifs et le staff, dans la perspective des jeux de Cortina en 2026, pour être capable de mobiliser de nouveaux champions, dans des disciplines où on n’est pas présents.
Question : Dont le ski assis qui n’était représenté que par deux compétiteurs qui n’ont pas obtenu de médaille…
Frank Bignet : En fait, c’est toute la difficulté, mon analyse est partielle. Un effort de structuration a été fait sur le volet sports d’hiver. Tous les 4 ans, on exploite le potentiel d’une sélection de sportifs. Mais il nous manque une quantité de qualité ; elle passe par plus de compétiteurs, et que la FFH joue de son volet multisports en faisant davantage jouer le transfert de potentiel, avec des profils polyvalents bifurquant d’un sport d’été à un sport d’hiver. Par exemple, Hyacinthe Deleplace pratique athlétisme et ski.
Question : Et devenir professionnel alors que la quasi-totalité des handisportifs ne parviennent pas à vivre de leur sport…
Frank Bignet : C’est le sport français qui est dans ce système. Pour faire une médaille aux Jeux, il faut une structure professionnelle. Mais en handisport, vous êtes un professionnel de l’entraînement, pas un professionnel de statut. À deux ans des Jeux, on peut compter sur l’accompagnement de l’Agence nationale du sport qui n’a jamais été aussi important de la part d’un opérateur de l’État. Pour revenir à la Chine, qui passe d’une seule à 61 médailles en 4 ans, on ne fait pas de comparaison. Et ne pas faire comme la Chine ne me va pas mal non plus…
Question : Pourtant, la pression nationale est là, on demande des résultats.
Frank Bignet : Il ne faut pas être discriminant, les réussites olympique et paralympique sont importantes. Pendant des années, l’État n’a pas pris conscience des besoins, et depuis 2004 la France a chuté au classement des nations et remonté grâce à la FFH. Quand on met des moyens, il y a des résultats. On essaie de sécuriser le parcours des sportifs, de faire émerger des sportifs par une identification de talents pour aller chercher des médailles. Et on ne délaisse pas la perspective qu’il y aura des Jeux après Paris 2024 mais on ne connaît pas les moyens qu’on aura au-delà de Paris. Les budgets sont annualisés alors que dans d’autres pays comme la Grande-Bretagne, ils sont pluriannuels grâce à un engagement pluriannuel de l’État.
Question : La crise sanitaire a fait chuter le nombre de personnes handicapées faisant du sport, quelle est la situation aujourd’hui ?
Frank Bignet : Si on regarde les chiffres des licences, on constate une stagnation à la FFH due à la perte de sports [transféré à des fédérations de sports valides NDLR], et à la crise Covid. Il est difficile de comparer quand on perd des délégations. Pour rester à licences constantes, on doit convaincre davantage de personnes de pratiquer les sports que l’on conserve. Aujourd’hui, la doctrine du ministère des Sports est quand même très inclusive, et donc transférer des disciplines est un gage d’inclusion. La FFH doit être capable de faire valoir ces spécificités. On va bientôt connaître notre périmètre d’action, ensuite on organisera la pratique d’une discipline en fonction de son émergence, de sa pratique, avec ou sans convention avec une fédération de sport valide.
Question : Au-delà de cette réorganisation, le coût des équipements spécifiques et les lacunes d’accessibilité des installations demeurent…
Frank Bignet : Il y a un déficit en équipements sportifs et en type d’équipements. Pour les matériels, les fauteuils roulants de sport, le Gouvernement a annoncé une baisse de la TVA pour la ramener de 20% à 5,5%, cela va réduire les dépenses. Mon travail est de faire mieux avec ce que j’ai à disposition, avec la proclamation d’une doctrine inclusive sans forcément l’être. Dans ce cadre, la FFH développe ses propres événements, dans un contexte qui n’est pas très favorable, avec plus de structuration, tout en restant ouverte et spontanée.
Propos recueillis par Laurent Lejard, avril 2022.