L’handiboxe n’est pas unique mais multiple. Développée par la Fédération Française de Boxe (FFB), elle accueille tout le monde, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, handicapés mentaux, psychiques, moteurs. « L’handiboxe propose de la boxe aux personnes avec tous types de handicap, pour la rendre accessible à toutes et tous, explique Stéphane Raynaud, conseiller technique national handiboxe à la FFB. La finalité est d’être dans le partage, l’échange, en handi-valide, avec tous et toutes, et au sein des clubs dans l’inclusion plus que de l’intégration. »
La Fédération développe une formation handiboxe pour les entraîneurs, dispensée notamment lors du Challenge Gilbert Joie dont la dernière édition s’est déroulée en mai dernier au CREPS de Bourges (Cher). Challenge honorant un professeur d’éducation physique qui a formé et promu des juges et arbitres handicapés : « Ils sont devenus des juges et des arbitres officiels de boxe en compétitions de valides, précise Stéphane Raynaud. Elles devenaient des compétitions de valides arbitrées par des personnes en situation de handicap. C’était extraordinaire ! Cette philosophie est aussi une genèse. » Celle de la boxe adaptée.
Boxe debout…
« Le handicap n’est pas un frein à la pratique, ajoute Stéphane Raynaud. On l’adapte en fonction des handicaps, tout est envisageable. » Entraîneur au Boxing club de Pouilloux (Saône-et-Loire), Alloua Boudjadja s’est lancé dans l’handiboxe quand il a reçu un boxeur amputé, et son club reçoit essentiellement des pratiquants handicapés mentaux combattant debout : « Ils ont du mal à se déplacer et à trouver leur espace, surtout au niveau de la vitesse, des réflexes. On les stimule avec des exercices et des gestes du quotidien, comme des déplacements dans des cerceaux, des jeux. » Qu’elle soit debout ou assis, l’handiboxe repose sur les règles de la boxe éducative.
« C’est de la touche, pas de la frappe, complète Alloua Boudjadja. Tout coup porté trop fort est sanctionné par l’arbitre. Que ce soit assis ou debout, on a le droit de toucher la tête, et des épaules à la ceinture, chaque coup marque un point. Pas derrière la tête ni dans le dos, et il faut que les coups arrivent avec le plat du poing fermé. Il y a des variantes avec certains boxeurs qui ont des problèmes de mains, on s’adapte. »
Au contact des handiboxeurs handicapés mentaux, il concède avoir appris la patience, dans cette adaptation du noble art : « Les champions à leur niveau, c’est eux. Ils veulent essayer de progresser, respecter les règles de boxe ce qu’ils font très bien, le noble art il est là. » Licenciée au Boxing club de Pouilloux, Alexandra Bonneau est l’une de ces championnes : « J’ai bien aimé, pour rencontrer des gens, faire des combats contre d’autres personnes qui viennent d’ailleurs. » Elle participe pour la troisième fois au Challenge Gilbert Joie : « C’est bien, je m’éclate. J’essaie de faire de mon mieux avec mon coach. »
Et boxe assise…
Les personnes à mobilité réduite pratiquent en fauteuil roulant contre d’autres boxeurs en fauteuil roulant ou des valides qui s’assoient. Ekrem Us a repris la boxe en handi depuis 2017 à Belfort, rapidement récompensé par un titre de champion de France, il pratiquait en amateur dans sa jeunesse, avant l’accident de moto qui l’a rendu paraplégique. « Il faut s’entraîner souvent, faire des mises de gants. Malheureusement, oui et non, on en fait beaucoup avec des valides ; ça nous permet de rehausser notre niveau en boxant avec des personnes sans handicap. » Pour sa part, Jean-Christophe Marquestaud s’y est mis fin 2019 à Nantes : « Je fais d’autres sports, pour rencontrer des gens, travailler ma santé et la situation de tous les jours en fauteuil roulant. Et le plaisir de suer à l’entraînement et sur les rings ! Je fais quatre entraînements par semaine, il faut que j’entretienne mon cardio, c’est une hygiène de vie. »
Comme Ekrem Us, il boxe contre des valides assis sur une chaise : « En boxe fauteuil, il n’y a pas beaucoup de monde et nous on est dans un gabarit, plus de 100 kilos, où il y a encore moins de monde. On est content d’avoir dans les clubs des boxeurs valides qui se mettent en fauteuil. » Tous deux déplorent le faible développement de l’handiboxe malgré les efforts de la fédération. « Ils voient le côté handicap mais pas sportif, estime Jean-Christophe Marquestaud. Il y a trop de précautions, ce qui est assez vexant, c’est que ce sont des valides qui font le règlement pour nous. Nous, avant d’être en fauteuil roulant on est d’abord des sportifs et on veut boxer comme les valides. La Fédération Française de Boxe ne veut pas, on est un peu freiné pour ça. » S’ils apprécient les efforts de promotion de la boxe adaptée aux personnes handicapées mentales, ils espèrent une évolution vers la pratique handiboxe des pays de l’Est où les combats se rapprochent de la boxe valide. Une évolution nécessaire ?
Laurent Lejard, juin 2022.