Avec 43.000 habitants sur son territoire (60.000 dans l’agglomération), Châteauroux est devenue une ville olympique et paralympique : grâce à la présence du vaste Centre National de Tir Sportif (CNTS) dans la commune voisine de Déols, elle récolte l’organisation des épreuves de tir aux armes du fait du retard accumulé par le site de La Courneuve (Seine-Saint-Denis) initialement prévu (lire l’actualité du 24 juin 2022.) Peu touristique et en déclin (sa population a baissé de 24% en 50 ans, ses grandes entreprises ont fermé, de même que le camp militaire, son vaste aéroport ne parvient pas à maintenir un trafic voyageurs et fret), Châteauroux espère accueillir quotidiennement 5.000 visiteurs pendant les 10 jours du tir olympique et la semaine du para-tir paralympique.
La ville s’est lancée dans un pari à l’aveugle : elle ne dispose d’aucune estimation du nombre potentiel de visiteurs handicapés parmi les milliers de spectateurs quotidiens qu’elle escompte. Les tribunes seront prévues pour 3.500 spectateurs, dont 250 handicapés moteurs, sans savoir si cette capacité sera suffisante ou déficitaire : « On travaille avec des pays hôtes d’éditions précédentes pour voir s’il faut augmenter la capacité pour les spectateurs handicapés », justifie le maire de Châteauroux et président de Châteauroux Métropole, Gil Averous, dans cette interview.
Située à 270 kilomètres au sud de Paris par autoroute, Châteauroux est également desservie depuis Paris par la ligne SNCF de Toulouse, avec une faible capacité de transport de personnes en fauteuil roulant : 16 par jour confirme la compagnie, pour l’ensemble des 9 trains directs (et vétustes) Corail Intercités depuis la gare parisienne d’Austerlitz – cette dernière est en grand chantier de rénovation jusqu’en 2026 avec des espaces réduits et des circulations compliquées. Les nouveaux trains devant remplacer les Corail quinquagénaires ne seront en service qu’après les Jeux, confirme le service de l’État qui les a commandés au constructeur franco-espagnol CAF ; ils auraient doublé la capacité fauteuil roulant avec deux places en 2e classe et deux autres en 1ère. Ce n’est pas l’unique trajet quotidien par autocar BlaBlaBus pouvant transporter une personne en fauteuil roulant qui augmentera significativement l’offre. La SNCF proposera-t-elle des trains spéciaux avec davantage de places adaptées aux voyageurs handicapés ? Réponse dans quelques mois.
Une offre d’hébergements limitée
L’office de tourisme de Châteauroux ne connaît pas l’offre en hébergements de tous types accessibles et adaptés : « Nous ne sommes malheureusement pas en mesure de vous donner un chiffre précis sur notre capacité à héberger des personnes PMR (en fauteuils roulants.) Ces données ne sont pas encore comptabilisées mais c’est en cours, au vu de la réception des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024. » Un Guide pratique recense une cinquantaine de lits dans dans 14 établissements dont un seul labellisé Tourisme et Handicap (moteur et visuel.) Pour accroître sa capacité d’accueil, la ville compte sur la construction dans l’agglomération d’une centaine de chambres en appart’hôtel accessible et adapté, précise Gil Averous. « A Châteauroux on a déjà une certaine expérience en la matière parce que sur ce site du Centre National de Tir Sportif on a accueilli en juin les championnats du monde de para tir [un millier de personnes y a participé selon le CNTS]. On a eu une affluence importante de sportifs en fauteuil ou d’autres handicaps. On a pu, quasiment dans les conditions réelles de ce qu’on va vivre pendant les Jeux Olympiques, voir quelles étaient nos forces et nos faiblesses, les établissements d’hébergements bien équipés et adaptés pour recevoir des athlètes handicapés, et notre marge de progression. Notre challenge, avec la Fédération Française de Tir, avec les hôteliers et les collectivités, c’est d’avoir une offre complètement satisfaisante en quantité et en qualité. » Sur le site du CNTS, un hébergement de 200 lits doit être construit, dont 150 aux normes d’accessibilité. Pour les visiteurs, les Conseils régional Centre et départemental Indre ainsi que la Communauté d’agglomération vont subventionner des hôteliers pour mettre leurs établissements aux normes. Sur moins de deux ans, ce renforcement de l’offre est particulièrement serré.
Comment s’y rendre ?
Situé à 6 km du centre de Châteauroux, le site de compétition est desservi 12 fois dans la journée par une ligne de bus gratuite comme toutes les autres depuis 20 ans. « Ils sont fortement utilisés, précise Gil Averous. Notre réseau est plus fortement dimensionné que ceux d’agglomérations comparables. Pour les Jeux, on sait qu’il va falloir démultiplier. L’opérateur national Keolis va pouvoir mobiliser sur cette période estivale plus calme, sans transport scolaire, des véhicules supplémentaires et les affecter sur Châteauroux. » Toutefois le maire oublie que les Paralympiques se dérouleront du 28 août au 8 septembre, en pleine rentrée scolaire. Il évoque la mobilisation d’une centaine de véhicules avec une fréquence de transport de 20 mn depuis la gare et les principaux hôtels, et espère également disposer de davantage de taxis adaptés, les quelques existants travaillant déjà à plein pour le transport scolaire et les établissement médico-sociaux. Quand on se rappelle que Paris rame encore pour élaborer une offre en taxis PMR, on se demande comment Châteauroux pourra convaincre des artisans taxis et des sociétés d’ambulance à investir dans des véhicules adaptés coûteux pour 20 jours de fonctionnement. Recevoir les Olympiques et Paralympiques 2024 reste, pour la cité berrichonne, un pari exaltant mais risqué.
Laurent Lejard, septembre 2022.