Préfecture du département de la Gironde et de la région Aquitaine (ancienne Guyenne), Bordeaux contribue depuis longtemps à la richesse nationale. Grâce, avant tout, au célèbre vignoble, cultivé depuis l’Antiquité, mais également, durant l’Ancien régime, à l’ignominieux commerce triangulaire. Les armateurs y ont certes moins pratiqué la traite négrière que leurs homologues de Nantes mais ils n’en ont pas moins largement exploité l’économie coloniale, infiniment plus rentable. En témoignent encore quelques mascarons au fronton de certains hôtels particuliers, et le nom de rues, places et monuments portant le nom de négociants en esclaves. Une histoire sombre que les Bordelais semblent plus longs à « digérer » que les Nantais… Côté Lumières, heureusement, la tradition humaniste remontant à Montaigne (magistrat au parlement de Bordeaux) a vu fleurir en bord de Garonne de farouches opposants à l’esclavage, parmi lesquels La Boétie (célèbre ami de Montaigne et, comme lui, parlementaire), puis Montesquieu et, durant la période révolutionnaire, les fameux Girondins, dont on oublie trop souvent qu’ils furent un groupe politique avant de désigner un club de football !

Ainsi, le monument inauguré en 1902 sur la place des Quinconces, rend-t-il hommage au combat de ces députés (faute d’argent, le groupe sculpté qui devait les représenter à été remplacé par un coq !). La population métissée qui déambule désormais en ville prouve néanmoins que leur engagement n’était pas vain… La vaste esplanade des Quinconces, en partie ombragée, qui constituait jadis l’une des extrémités de la cité, se situe aujourd’hui à l’orée du quartier historique du plein centre, particulièrement bien desservi par le tramway, dont on regrette l’exigüité des quais et l’absence de signalement de leurs seuils, ainsi que la quasi-illisibilité des écrans de distributeurs de billets dont quelques-uns ont toutefois une interface sonore.

Circuler à Bordeaux est très facile lorsque l’on consent à abandonner la voiture (mais les stationnements réservés ne font pas défaut d’autant plus qu’un logiciel de géolocalisation est téléchargeable sur téléphone mobile). Outre des transports accessibles sur la moitié du réseau, les taux de pente sont assez faibles, la voirie récente, large et roulante, privilégiant le piéton, et l’espace urbain « pacifié ». Le service de transport spécialisé Mobibus accepte les touristes aveugles ou en fauteuil roulant, à condition qu’ils s’inscrivent au préalable, une formalité à prévoir au moins deux semaines à l’avance. Un service de location de vélo en libre-service (Vcub) est à la disposition des cyclistes. Les sanisettes sont, pour la plupart, accessibles et gratuites. Ajoutez à cela que nombre d’espaces recevant du public (musées, commerces) se sont mis en conformité avec les règles d’accessibilité et vous comprendrez pourquoi Bordeaux a été choisie pour expérimenter le label Destination pour tous.

Le cours qui rejoint, vers le sud, la place des Quinconces à celle de la Comédie, est un rendez-vous bien connu des touristes : s’y trouvent en effet l’Office de tourisme, point de départ de nombreuses excursions en ville et « hors les murs » (attention : le bus panoramique n’est pas adapté) mais également la prestigieuse et très design Maison des vins, accessible de plain-pied depuis l’angle du bâtiment, où il est possible de découvrir une sélection de nectars parmi la dizaine de milliers élevés dans la région. Restera ensuite aux amateurs à aller faire leur marché dans les boutiques ad hoc… ou partir à l’aventure dans le vignoble; certains châteaux sont accessibles en fauteuil roulant : il suffit de franchir la rue pour se renseigner à l’Office de Tourisme.

La majestueuse place de la Comédie, jadis encombrée de voitures, est le coeur battant de la ville, bordée sur l’un de ses côtés par un fameux palace qui a vu, et voit toujours, défiler les hôtes de marque. Lesquels n’ont qu’à traverser l’esplanade pour se rendre au Grand Théâtre, chef-d’oeuvre de l’architecte Victor Louis (1780) auquel les Bordelais doivent par ailleurs de nombreux hôtels particuliers remarquablement préservés.

Le théâtre est resté dans son état d’origine, et sa salle aux velours bleus est scandée de balcons saillants en bois tout à fait remarquables. L’Opéra national de Bordeaux y propose d’excellents spectacles tout au long de l’année, dont certains audio-décrits à l’attention des spectateurs non-voyants, qui peuvent en outre, privilège rare, découvrir costumes et éléments de décors au cours de conférences d’avant spectacle. Placement à l’orchestre pour les spectateurs en fauteuil roulant (mais sans possibilité de transfert), sur-titrage de toutes les représentations, y compris celles en français. Un must d’autant plus appréciable que la politique tarifaire n’exclut personne.

Le quartier alentour, très vivant, alterne boutiques et terrasses où il fait bon s’attarder en regardant passer le tram… Le très chic cours de l’Intendance, qui relie la place de la Comédie à la place Gambetta, offre une curiosité aménagée au XIXe siècle dans l’esprit des passages parisiens : le passage Sarget, accessible en fauteuil roulant sur ce seul côté (marches à l’extrémité). Il donne sur la place du Chapelet, où il ne faut pas manquer de visiter l’ancien couvent dont l’église baroque vaut le détour, de même que le cloître attenant (aujourd’hui cour Mably) où sont organisées des expositions temporaires accessibles de plain-pied.

Tout proche, le marché des Grands Hommes, l’une des rares constructions contemporaines du quartier, occupe le centre de la place du même nom : un lieu apprécié des Bordelais pour la qualité de ses produits frais, et la beauté des immeubles en rotonde qui la cernent. Les façades des immeubles anciens sont presque toutes restées dans l’état d’origine, sans les rehaussements successifs qui, comme à Paris, ont détruit leur harmonie. Cette préservation donne à Bordeaux le caractère unique d’un vaste conservatoire de l’architecture baroque ou classique qu’il faut prendre le temps d’apprécier.

La rue Sainte-Catherine, célèbre dans toute la région, est une voie piétonne rectiligne longue de plus d’1km. La monumentale place de la Victoire, sur laquelle elle débouche, est un lieu animé, fréquenté notamment par les étudiants de l’université Bordeaux II, toute proche. Le centre historique, classé patrimoine mondial de l’UNESCO en 2007, fourmille de bâtiments remarquables dont l’une des caractéristiques est de n’avoir pas été altérés par les vicissitudes de l’Histoire : contrairement à d’autres villes, Bordeaux n’a pas vraiment souffert des bombardements lors de la Seconde guerre mondiale. La belle pierre blonde des immeubles anciens renvoie merveilleusement la lumière, et les mascarons qui ornent la plupart de leurs fenêtres offrent un éventail infini de figures : un vrai régal pour les yeux !

L’un des édifices civils les plus emblématiques de la cité est l’ancien palais Rohan, devenu mairie, mais on ne le visite pas en fauteuil roulant, contrairement à la cathédrale qui lui fait face, accessible par son transept sud. Côté chevet, la spectaculaire tour gothique de Pey-Berland attire le regard.

Mairie de Bordeaux (palais Rohan)

Derrière la mairie, le Musée des Beaux-Arts s’apprête à se mettre en accessibilité (2012) mais sa Galerie d’expositions temporaires, distante de quelques dizaines de mètres, est d’ores et déjà accessible de plain-pied. On se souviendra, pour l’occasion, que le peintre symboliste Odilon Redon a vu le jour à Bordeaux en 1840, où son grand prédécesseur Francisco de Goya était mort en exil volontaire, un soir d’avril 1828.

L’incontournable, en matière de musées bordelais, demeure néanmoins celui d’Aquitaine, desservi par le tramway et accessible aux fauteuils roulants via une entrée latérale à interphone cacochyme… La richesse des collections, qui s’étendent de la préhistoire au XXe siècle, permet un véritable voyage dans le temps, à la découverte des hommes qui ont fait, au fil des siècles, la fortune de la région. Les trésors artistiques (parfois au sens littéral du terme) abondent, et la muséographie, très lisible, rend la déambulation particulièrement agréable. Prévoir une bonne demi-journée. Des « visites sensorielles » sont régulièrement organisées à l’attention des déficients visuels, sous la houlette d’un guide-conférencier de talent, concerné au premier chef par le sujet mais qui anime également des visites tous-publics : renseignez-vous auprès du musée.

Les amateurs d’art contemporain pourront, quant à eux, faire halte, au nord du centre-ville, au Centre d’arts plastiques contemporains (CAPC), accessible par rampe et ascenseur.

Côté Garonne, à l’est de la rue Sainte-Catherine, s’enfonce un entrelacs de vieilles rues et petites places, certes moins fréquentées qu’à l’ouest mais tout aussi favorables à la déambulation. Au sud de ce quartier, la porte Cailhau (XVe siècle) faisait partie des remparts. La modeste place du palais sur laquelle elle ouvre s’orne, entre autres, d’un plan relief tactile en bronze des pâtés de maisons alentour; deux autres de ces plans agrémentent la place de la Comédie et celle de l’Hôtel de Ville. Précisons à l’attention des visiteurs non-voyants que les boules placées au sommet des tours ne sont destinées qu’à protéger les doigts et qu’elles n’existent pas dans la réalité.

Non loin de là, l’espace « Bordeaux Monumental« , annexe de l’Office de Tourisme, présente en photographies les aspects les plus remarquables de l’architecture locale; une étape intéressante pour repérer les sites d’intérêt et les curiosités. Accès de plain-pied, catalogue braille disponible en prêt.

Autre endroit emblématique, éminemment photogénique, en bord de fleuve : la très élégante place de la Bourse, anciennement place Royale. Son architecture classique (XVIIIe), sa fontaine « des trois Grâces » (XIXe) et son miroir d’eau (XXIe) en font un must pour les visiteurs. Le passionnant musée national des Douanes, unique en France, qui occupe l’un des hôtels, est parfaitement accessible : ne manquez pas de le visiter, d’autant que son accès est gratuit pour les titulaires de cartes d’invalidité. Vrai Monet, faux Dali, oeuf d’aepyornis, objets de contrebande, une vraie caverne d’Ali Baba !

Et la rive droite ? Longtemps industrielle, elle ne présente certes pas les mêmes attraits patrimoniaux que sa voisine d’en face mais de récents aménagements en ont fait un quartier à la mode où les Bordelais aiment à se détendre, pratiquer le sport… ou le pique-nique sous les ombrages d’un parc qui constitue, de jour comme de nuit, dans une atmosphère bon-enfant, un véritable balcon sur la vieille ville.

Le jardin botanique qui le prolonge vers l’est, de l’autre côté du quai des Queyries, a été créé en 2001. Particulièrement novateur, il est accessible à tous les publics et propose des animations tout au long de l’année. Heureux Bordelais !

Jacques Vernes, mai 2011.


Sur le web, le site de l’Office de Tourisme de Bordeaux permet de préparer séjour et découvertes (y compris du vignoble) en toute quiétude. Les moteurs de recherche sur les hébergements et les restaurants, ainsi que la rubrique « Que faire » proposent un critère handicap. Une page spécifique permet en outre de télécharger un guide comportant les trois itinéraires labellisés « Tourisme et handicap ». Le Comité Départemental de Tourisme de Gironde propose également, sur son site, une rubrique « Tourisme et handicap » listant les lieux et activités accessibles dans le département.

Partagez !