Sur la Côte d’Opale
Ainsi désigne-t-on le littoral qui s’étire, de la Manche à la Mer du Nord, entre Berck et Dunkerque, face aux côtes anglaises. Opale, comme la mer et les ciels du peintre Eugène Boudin, couleurs subtiles qui se retrouvent dans la végétation, sur la façade des maisons ou des cabines de plage. La météo aussi, déploie ici toute sa palette : drogués de soleil monobloc, passez votre chemin ! L’endroit est réservé aux romantiques, aux amateurs de sensations puissantes, il réveille le poète, le peintre ou le marin qui sommeille en chacun d’entre nous. Plus prosaïquement, on s’écrase infiniment moins, et pour moins cher, en saison, sur ces rivages superbes où l’on est bien reçu, que sur nombre de plages méridionales. En outre, l’offre touristique et de loisirs est très diversifiée et l’accessibilité globalement satisfaisante quoique perfectible.
Station balnéaire populaire mais à taille humaine, où les cerfs-volants ont élu l’un de leurs domiciles de prédilection, Berck laisse d’autant moins de côté ses visiteurs handicapés que la ville compte cinq établissements de rééducation fonctionnelle. Ainsi, la plage Dodin dispose-t-elle, en juillet-août, d’équipements adaptés. La baignade est aléatoire (ça reste frisquet !) mais le farniente en bord de mer, sur le sable ou, en haut, depuis la promenade, s’avère des plus agréables, quelle que soit la saison.
Unique en France, un loueur de vélos inventif a mis au point une « rosalie » adaptée avec pédalage à main : une façon originale de balader en famille ou avec des amis. Le centre de loisirs Agora, proche de la plage, offre une solution de repli parfaitement accessible en cas de caprice météorologique, avec piscine (fauteuil roulant de douche prêté), sauna, hammam, restaurant, et bowling disposant d’une adaptation particulière pour les personnes en fauteuil roulant : une longue planche rainurée dont une extrémité repose sur les genoux sert de lanceur, le joueur devant ajuster l’alignement pour que la boule atteigne les quilles… Les amateurs d’art et d’histoire pourront quant à eux visiter, non loin de là, le musée, ses trésors archéologiques et sa belle collection de marines. A Berck, la liste des activités ouvertes à tous est vaste : renseignez-vous auprès de l’office de tourisme. Et ne repartez pas sans avoir découvert ce qu’est un succès berckois !
La mer a quitté Montreuil
Entre Berck et le très (trop ?) chic Touquet-Paris-Plage, Montreuil-sur-Mer usurpe certes son nom (les flots ne baignent plus ses remparts depuis longtemps) mais la déambulation dans les vieilles rues de cette cité séculaire, jadis port opulent, est un enchantement en dépit de quelques secteurs pavés assez difficiles. Et la vue depuis le sommet des murailles (accessibles) porte très loin. Les lecteurs des Misérables de Victor Hugo se souviendront pour l’occasion que l’auteur plante ici l’un des décors principaux de la première partie. Aujourd’hui, un spectacle son et lumière fait revivre chaque année, de fin juillet à début août, les personnages du roman. La citadelle où se déroule le show n’est guère accessible en fauteuil roulant mais une aide ponctuelle est apportée aux spectateurs handicapés.
La trace de l’Anglois
Plus au nord, juste avant Boulogne-sur-Mer, l’étonnant château néo-Tudor d’Hardelot (situé sur la commune de Condette) abrite un inattendu Centre culturel de l’Entente cordiale, très actif, qui propose toute l’année des expositions temporaires ainsi que des événements culturels de très haute tenue, parfaitement accessibles aux personnes handicapées motrices. Citons notamment le Midsummer Festival, qui se déroule tous les ans en juin dans la « tour vagabonde« , une réplique (accessible) du célèbre Globe Theater de Londres. Magique ! Autour du château, la réserve naturelle régionale du Marais de Condette déploie ses charmes bucoliques et ses colonies d’oiseaux. Un parcours accessible en fauteuil roulant y a été aménagé; des plaques tactiles avec détails en relief et braille permettent aux aveugles de se repérer, mais sans guidage au sol ni main courante.
Boulogne entre patrimoine et monde marin
Boulogne-sur-Mer est, depuis Jules César (qui, déjà, projetait d’envahir l’Angleterre !), un port de première importance. Si les trafics commerce et passagers ont perdu en volume, la pêche y demeure prépondérante. La « Haute ville », globalement épargnée par les conflits, ne manque assurément pas de charme, avec son beffroi et son imposant château-musée (très partiellement accessible en fauteuil roulant), mais c’est bien le centre Nausicaa, en bord de mer, qui déplace les foules. A juste titre : labellisé Tourisme et handicap, cet espace de découverte et d’interprétation des richesses marines fête ses vingt années d’existence.
Bien plus qu’un aquarium géant, Nausicaa est l’endroit par excellence où petits et grands peuvent se familiariser et/ou améliorer leurs connaissances sur la mer et ses enjeux; le tout dans un décor futuriste régulièrement réactualisé. Le succès étant au rendez-vous, mieux vaut éviter les périodes de pointe ! Parking réservé en sous-sol (payant), prêt d’audioguide pour déficients visuels, toilettes adaptées, repas possible sur place.
En quittant Boulogne, faites donc halte à Wimille, où une monumentale colonne célèbre le passage (et le projet avorté de conquête de l’Angleterre) d’un Napoléon Ier dont la statue montre son dos à la perfide Albion… L’endroit est empreint d’une majesté toute historique qui ravira les inconditionnels de l’Empereur ! Les autres trouveront sans doute un bonheur plus pacifique à Audresselles, paisible village de pêcheurs d’où l’on jouit d’un superbe point de vue sur Boulogne.
D’un cap à l’autre
Autre très beau panorama depuis le cap Gris-Nez qui sépare, quelques kilomètres plus au nord, du haut de ses 45 mètres, la Manche de la mer du Nord. Les côtes anglaises semblent si proches (34 km tout de même) que l’on comprend aisément qu’elles aient pu paraître à portée pour César, Napoléon… ou les nombreux migrants qui espèrent aujourd’hui, dans les villes alentour, un meilleur futur. Le site a été récemment réaménagé avec stationnement réservé, sol stabilisé (parfois pentu) et platelage… mais aucun WC. Le spectacle des innombrables navires qui croisent dans ces eaux, les plus fréquentées au monde, est fascinant. Idem côté cap Blanc-Nez, à quelques encablures de là.
Des loisirs nature
Entre les deux caps, arrêt à Wissant, où le sentier de randonnée du Fartz (accessible de plain-pied, y compris pour les postes d’observation) attend les amoureux des oiseaux. Une quinzaine de sites de ce type existent dans le département: renseignez-vous auprès de l’association Eden 62, qui anime ces sentiers. Cette structure prépare également l’adaptation aux personnes handicapées de l’activité de baguage d’oiseaux.
A l’entrée de Calais, Sangatte abrite une base de voile et de loisirs ultra-moderne, parfaitement accessible et très bien équipée côté handi-voile. La structure peut accueillir des groupes mais les individuels sont les bienvenus. Le plan d’eau attenant assure une navigation sans risque, les marins plus aguerris pouvant néanmoins embarquer (à la journée) pour la pleine mer sur un navire habitable ancré au port. Le site attenant de Blériot plage rappelle les exploits de ce pionnier de l’aviation. Une immense plage de sable fin qui incline à la rêverie : Sangatte, c’est aussi cela.
La dentelle de Calais
Plus généralement, l’agglomération de Calais n’est pas en reste côté activités adaptées (consultez cette brochure) : plage, piscine, musées… Dans cette dernière catégorie, il faut absolument visiter la Cité internationale de la dentelle. Foin des préjugés sur cette matière précieuse : installée dans une ancienne usine restaurée avec art, la muséographie laisse place au rêve (et au fantasme), invitant à un véritable voyage dans le temps. Une impressionnante salle des machines permet en outre d’assister à la fabrication. Des expositions temporaires complètent la visite par un regard très contemporain sur la mode. Excellente accessibilité, prêt de fauteuils pour les personnes fatigables, repas possible sur place, vaste parking avec places réservées.
Les remparts de Gravelines
En remontant la côte et en franchissant l’Aa (fleuve bien connu des cruciverbistes), changement de département à Gravelines, porte d’entrée du Nord. Une place-forte âprement disputée au cours de l’Histoire et dont subsistent de spectaculaires fortifications Vauban. Rarissime : les douves remplies d’eau peuvent se visiter en bateau (avec aide pour les personnes à mobilité réduite). Une maquette tactile attend les visiteurs déficients visuels à la Maison du patrimoine, rue Léon Blum. Quant au Musée du dessin et de l’estampe originale, installé dans l’ancien arsenal, seul le rez-de-chaussée est accessible en fauteuil roulant.
La cité de Jean Bart
Le paysage jusqu’à Dunkerque, ville de carnaval et de géants, se fait plus industriel mais il ne manque pas de poésie, particulièrement lorsque l’on emprunte les digues du Braek ou du Clipon : nature et activités humaines pourraient-elles cohabiter ? On peut s’en faire une idée par soi-même…
La vénérable cité de Jean Bart, durement affectée par la Seconde guerre mondiale (comme en témoigne un émouvant mémorial, accessible de plain-pied) puis par la désindustrialisation, est en pleine mutation. L’ancien site des chantiers navals cède actuellement la place à un nouveau quartier à l’architecture contemporaine du meilleur aloi.
En centre-ville, le splendide trois-mâts Duchesse Anne (hélas inaccessible en fauteuil roulant) amarré à quai signale l’entrée du Musée portuaire, installé dans un ancien entrepôt de tabac et pourvu, quant à lui, d’ascenseurs et de cartels en braille et relief pour la maquette-panorama de Gravelines à Malo-les-Bains. La muséographie fait la part belle à l’histoire locale, des corsaires à la période contemporaine en passant par les fameux pêcheurs d’Islande. Captivant !
La côte, au-delà, devient flamande : la Belgique est toute proche. La station balnéaire de Bray-Dunes, juste à côté de Zuydcoote (son hôpital maritime… et son week-end) n’en dispose pas moins d’une base de voile suréquipée côté handi : chars à voile, trimaran, catamaran, access dinghy, habitable… Largement de quoi passer des vacances actives !
Parenthèse conclusive loin du littoral, en pays audomarois
Audomarois, comme Saint-Omer : une véritable pépite, éloignée des flux touristiques, aux confins du Pas-de-Calais et du Nord, entre Béthune et Calais. Saint-Omer et ses étranges monuments (la Coupole, par exemple, l’un des secrets les mieux gardés de la Seconde guerre mondiale, bien mise en accessibilité), Saint-Omer et son marais, surtout. Un écosystème miraculeusement préservé qui couvre 35km² sur 15 communes, labyrinthe séculaire de prairies humides, roselières et terres maraîchères que l’on parcourt principalement en barque. Deux prestataires locaux proposent des embarcations accessibles aux personnes handicapées motrices : le Bon accueil, à Salperwick, et Isnor, à Clairmarais; chacun dispose d’espaces de restauration accessibles, ainsi que de toilettes adaptées. Isnor propose en outre une joëlette et un mainaleau (version manuelle du pédalo) ainsi que des gîtes dont un adapté. La découverte de ces paysages lacustres et de leur faune est un enchantement !
Jacques Vernes, août 2011.
Sur le web, le Comité Régional de Tourisme du Nord-Pas-de-Calais propose un véritable portail d’informations touristiques et de loisirs sur la destination. Le Comité Départemental du Tourisme du Pas-de-Calais offre quant à lui, outre des informations généralistes, un moteur de recherche très performant sur les labels Tourisme et handicap du département. Et celui du Nord une rubrique « Tourisme pour tous » particulièrement bien documentée.