À deux heures d’avion de la France, le littoral croate déploie des charmes qui ont, depuis longtemps, séduit les touristes de toute la planète. On chante ici la beauté des sites depuis le VIe siècle avant notre ère ! Dans la perspective de son intégration dans l’Union Européenne (qui devrait se faire en 2013), la Croatie a lancé un ambitieux programme de mise en conformité de ses lois et de ses infrastructures avec les normes européennes. Ainsi en va-t-il du tourisme, notamment celui des personnes handicapées, même si beaucoup de chemin reste à faire. Comme ailleurs en Europe, les établissements les plus récents sont aussi les plus accessibles, et comme ailleurs aussi, le coût de la vie, globalement moins onéreux qu’en France, demeure plus élevé dans les zones touristiques.
Au nord de la côte dalmate, Split est la seconde ville la plus peuplée du pays après la capitale, Zagreb. C’est également un grand port mais la particularité qui y attire les visiteurs du monde entier est la forme originale de sa fondation : Split s’est en effet établie au VIIe siècle de notre ère à l’intérieur même, puis autour, de l’immense palais maritime construit par l’empereur Dioclétien (v. 245 – 313), grand persécuteur de chrétiens, originaire de Dalmatie et qui souhaitait y finir ses jours. Fuyant les invasions barbares, les habitants de Solin, l’ancienne capitale provinciale, se sont réfugiés dans ce qu’il restait de ce palais, soit la majeure partie de ses structures.
Lesquelles, devenues cité, sont demeurées pratiquement inchangées jusqu’à nos jours, ce qui est non seulement très rare, mais surtout fascinant lorsque l’on y déambule : murs et arcs antiques, parements de marbre, colonnades… Une atmosphère unique. Les soubassements de cet ensemble, accessibles de plain-pied depuis la promenade de bord de mer (autre incontournable local, avec ses terrasses fréquentées jusque tard dans la nuit) ont longtemps servi de dépotoir. Dégagés à une époque récente, ils présentent une impressionnante enfilade de pièces, caves, anciennes réserves, dont l’état de conservation laisse pantois.
Les rues de cette étonnante vieille-ville, évidemment très étroites, sont dallées et parfois glissantes, sans escaliers; les voitures n’y sont pas admises. Quelques habitants y vivent encore, ce qui participe du charme de l’endroit, mais la plupart des boutiques sont nanties de marches : dommage ! Se perdre dans le dédale des façades d’inspiration vénitienne (la Sérénissime domina Split du XVe au XVIIIe siècle) reste néanmoins des plus agréables, surtout lorsque l’on prend la peine de lever les yeux. Inutile, en revanche, de tenter quoi que ce soit côté musées si l’on utilise un fauteuil roulant : leur mise en accessibilité n’est encore qu’au stade de projet.
Quant aux amateurs de bains de mer adaptés, le seul rendez-vous possible (sur toute la côte dalmate) est à la plage de Bene, au nord de la colline Marjan, située à l’extrémité de la ville, où une potence de mise à l’eau est en service tous les étés; dépose minute possible, mais sans stationnement. Côté ferries, enfin, aucun de ceux qui desservent la côte n’a de réelle accessibilité, ce qui oblige les personnes handicapées motrices à rester dans leur véhicule durant la traversée. Mais les Croates, en bon méditerranéens, aident de bon coeur.
Lorsque l’on quitte Split par le sud, la route côtière ne devient « sauvage » qu’après le village d’Omiš (on prononce Omich), face à l’île de Brac (Bratch), l’une des principales d’un archipel en comptant plusieurs centaines. La pierre de Brac a servi (et sert encore) à édifier les plus beaux édifices de la région, et sa vaste carrière se remarque depuis la côte. Sur le littoral, la montagne calcaire domine le bleu profond de la mer dans une succession de panoramas plus spectaculaires les uns que les autres. Des aires à pique-nique ont été aménagées à des endroits stratégiques (et ombragés) d’où l’on peut jouir du paysage, une intelligence d’implantation que l’on aimerait retrouver dans d’autres contrées !
Ici commence la Côte (« Riviera ») de Makarska, équivalent local de notre Côte-d’Azur, hordes de touristes, embouteillages et béton en moins. La station balnéaire de Brela, qui ouvre le ban, est à taille humaine comme la plupart de ses consoeurs. Les touristes handicapés y trouveront des unités hôtelières récemment mises aux normes ainsi qu’une longue et belle promenade de bord de mer parfaitement roulante, à l’ombre des pins, sur laquelle ouvrent les terrasses de nombreux restaurants. La plage de galets n’est guère praticable mais des toilettes adaptées y ont été construites tout récemment.
Le charmant port de Baška Voda, tout proche, offre davantage de possibilités côté loisirs : outre un accès plus aisé à la plage, où des toilettes mobiles sont installées chaque été, l’un des bateaux promenade ancrés au port (« Bibe ») est accessible avec aide en fauteuil roulant, de même que le petit mais très riche musée de coquillages aménagé au rez-de-chaussée d’une maison de pêcheur (seuil et passage limité à 70cm de large). A l’intérieur, la passion d’un collectionneur s’étale en coquillages multicolores, crustacés, animaux marins remarquables…
La ville de Makarska, qui a donné son nom à la région, est également un port (pêche et plaisance) dont le site, dominé par la montagne, est spectaculaire. Le tourisme, ici, est sagement contenu, ce qui est tant mieux pour l’authenticité ! On peut, à l’instar des autres stations de bord de mer, promener ou se prélasser en terrasse et contempler les élégants navires de bois qui mouillent à quai. Des promenades en mer ou autour des îles sont proposées, mais il faudra requérir de l’aide et affronter l’absence de toilettes adaptées à bord… La vieille ville, quant à elle, est pentue et garnie d’escaliers.
La cité voisine de Podgora est certes plus touristique, mais sans excès. Avantage : une potence de mise à l’eau devait, cet été, permettre aux baigneurs handicapés de profiter de la baignade ainsi que de certaines activités nautiques. Les bobos, branchés et autres « teufeurs » pourront embarquer pour la très trendy île de Hvar (on prononce Houar) au départ de Drvenik, mais sans garantie aucune côté accessibilité ! Quelques kilomètres plus au sud, le village de Gradac, où termine la Riviera de Makarska, est en revanche aussi charmant que paisible. Dommage que le tourisme des personnes handicapées ne figure pas encore au cahier des charges de la municipalité !
La route, ensuite, quitte le rivage pour traverser le delta du fleuve Neretva, ses calmes lacs et ses exploitations agricoles à perte de vue. La bande littorale croate est ici réduite à sa plus simple expression, large de quelques kilomètres à peine, au-delà desquels commence la Bosnie-Herzégovine. Laquelle dispose, autour de Neum, d’un accès à la mer d’une vingtaine de kilomètres dûment pourvu en postes frontières où les touristes passent évidemment sans encombre.
La péninsule de Pelješac, qui s’étire juste en face, est reliée à la terre par l’isthme de Ston. Ancienne place forte de la République de Raguse (qui exista du milieu du XIVe siècle au début du XIXe), Ston déploie d’époustouflantes murailles de part et d’autre de la montagne qui la sépare en deux parties si distinctes que l’on croirait deux villes différentes.
La double baie de Ston est aussi réputée pour ses salines, encore en exploitation (et qui produisent un sel au goût remarquable) que pour ses huîtres d’eau saumâtre à la saveur si fine que les Japonais, grand amateurs s’il en est, l’ont élevée au rang des meilleures au monde ! La gastronomie locale leur fait la part belle, ainsi qu’aux moules et aux nombreuses espèces de poissons qui se pêchent ici. Manquent seulement, hélas, les hébergements accessibles qui permettraient aux visiteurs handicapés moteur de s’installer tranquillement pour profiter de ce paradis !
L’approche de Dubrovnik est rien moins que magique : calcaire immaculé se jetant dans la mer, îlots à perte de vue et puis, nichée au fond de sa baie comme dans un écrin bleu, la justement nommée « perle de l’Adriatique »… Fondée au VIIe siècle, vassale puis concurrente de Venise, l’antique Raguse, enceinte de solides murailles, a bâti sa richesse sur le commerce maritime. Victime, au XVIIe siècle, d’un tremblement de terre qui la détruisit presque entièrement, l’opulente cité se releva de ses ruines mais son influence déclina. Elle tenait encore vaillamment son rang d’ancienne puissance locale, figée dans sa splendeur, lorsque, entre octobre 1991 et mai 1992, l’armée populaire yougoslave la pilonna, suscitant une vague d’indignation dans le monde. De grands panneaux situés aux deux entrées de la vieille ville rappellent d’ailleurs aux visiteurs cet épisode tragique qui fit de nombreuses victimes et des dégâts matériels aujourd’hui effacés, à l’exception de quelques impacts d’obus, soigneusement préservés sur le pavement.
Une fois passés les remparts et leur pente assez forte, la déambulation est des plus aisée, fût-ce avec un fauteuil roulant, mais nombre de bâtiments sont nantis de seuils, certains, bardés d’escaliers, s’avérant totalement inaccessibles.
Comme à Split, donc, il faudra oublier les musées mais comme à Split aussi, la balade au hasard des rues demeure un véritable bonheur ! Seul bémol, mais de taille : Dubrovnik est la ville la plus touristique de Croatie, et un incontournable pour les croisiéristes; ainsi, certains jours, le centre ancien déborde-t-il (le terme n’est en rien exagéré) de visiteurs, pour le plus grand bénéfice, sans doute, des commerçants locaux, mais au détriment de tout le reste. Un conseil : laissez passer le flot et attardez-vous au crépuscule, quand la foule a regagné, qui son navire, qui son autocar : Dubrovnik, alors, redevient Raguse…
Jacques Vernes, septembre 2011.
Sur le web, l’Office National Croate de Tourisme offre toutes les informations utiles à la préparation d’un séjour en Dalmatie (et ailleurs dans le pays) mais hélas aucune indication d’accessibilité. Idem avec les Bureaux de Tourisme de Split (version française) et de Dubrovnik (version anglaise uniquement). Mieux vaut donc, côté hébergements, contacter directement les offices locaux de tourisme (qui sont toujours de bon conseil, souvent en allemand et en anglais, plus rarement en français) et/ou privilégier les établissements récents appartenant à des chaînes internationales et se faire confirmer la disponibilité par téléphone ou par mél : moins typique mais plus sûr !