L’Algarve est en quelque sorte le « menton » du Portugal, voisin occidental de l’espagnole Andalousie dont il tire son toponyme, hérité de la conquête arabe : Al Gharb al Andalus (« Andalousie de l’ouest »). Une région ouverte sur l’Atlantique; lequel, majestueux et sauvage à l’ouest, prend des airs méditerranéens côté sud. Véritable balcon sur la mer, cette extrémité marque également celle du continent européen. Climat, paysages, végétation… et population évoquent également la Méditerranée, avec une nuance d’importance : le tourisme, bien que principale ressource économique, n’a pas trop fait de dégâts, cantonné à des zones certes très urbanisées mais assez strictement délimitées. Ajouté à la prise de conscience des enjeux environnementaux et leur impact positif sur l’économie, cela a permis d’éviter les écueils observés ailleurs : ici villes et villages ont conservé leur authenticité, et surtout leurs habitants qui continuent à y vivre et y travailler.
Il en va de même pour l’agriculture et la pêche, toujours vivantes en dépit de la crise. Autre point original : de nombreux touristes, tombés amoureux de l’endroit, y ont acheté des résidences puis s’y sont installés, grâce notamment à des politiques fiscales incitatives, passant une douce retraite parmi les autochtones et participant à la vie locale. Ces personnes, généralement âgées, ont induit une mise en accessibilité progressive de la voirie et des équipements recevant du public, d’abord dans les stations balnéaires puis dans l’arrière-pays. Ainsi ces différentes populations côtoient-elles, en toute harmonie, familles et jeunes couples venus passer des vacances sans se ruiner : le coût de la vie est plus élevé en bord de mer mais demeure raisonnable comparé à d’autres destinations ensoleillées; et puis il est très facile de quitter les pôles touristiques pour retrouver une ambiance et des prix plus en rapport avec le pays. Quant à la gastronomie, elle ravira les amateurs de poissons et fruits de mer !
Aux confins de l’Espagne
Débutons la découverte du littoral d’est en ouest à Cacela Velha, village perché situé à une quinzaine de kilomètres de la frontière espagnole. Dominant le cordon lagunaire, il est un havre de tranquillité, de beauté et de simplicité avec ses belles maisons blanches aux encadrements de portes et fenêtres bleues ou jaunes, et un paradis pour les bougainvillées. Certaines de ces maisons sont encore dominées de cheminées typiquement algarviennes sculptées à la main, qui ressemblent à des lanternons perforés. Depuis le fortin construit sur la falaise, la vue porte jusqu’aux hauts immeubles de Vila Real de Santo António mais à Cacela Velha, la poésie règne dans des rues en pavés plats assez roulants qui portent des noms de poètes : en flashant un QR code, vous saurez tout sur leur oeuvre… En descendant en bord de mer par une route bordée de grenadiers et d’oliviers, à la plage de Fabrica, vous pourrez prendre l’une des embarcations qui font la navette jusqu’à la lagune (transfert indispensable) et vous poser pour pêcher ou farnienter loin de l’agitation des plages urbaines. La rive a été aménagée d’un kiosque équipé de toilettes adaptées (demander la clé au bar). Ici, et jusqu’à la pointe Saint-Vincent à l’ouest de l’Algarve, la mer est aussi calme que la Méditerranée bien que la côte soit baignée par l’océan Atlantique.
A un quart d’heure de là en voiture, Tavira conserve quelques marais salants d’exploitation artisanale que l’on peut aisément approcher, notamment en période de récolte effectuée de façon traditionnelle. Dans le fleuve côtier (Rio Gilao) sont ramassées des palourdes qui font le délice des connaisseurs, face au marché couvert transformé en lieu convivial de restauration. Sur l’autre rive, les maisons arborent des toitures à la chinoise, avec bords relevés, souvenir du temps où le Portugal était un pays d’explorateurs. La vieille ville de Tavira s’étend sur une butte, depuis le pont romain refait au moyen âge. Il est possible, en le demandant gentiment à l’accueil, de visiter l’ancien cloitre d’un couvent du XVIe siècle devenu pousada (hôtel de luxe), et d’en utiliser au besoin les toilettes adaptées. Au-dessus, le château dont ne reste que l’enceinte, est devenu un charmant jardin dominant la ville et offrant un vaste panorama. En redescendant, vous pourrez passer par les fouilles d’un palais du XVIe dont la base des murs remonte à l’époque de l’occupation arabe. Plus bas encore, entrez dans l’église de la Miséricorde (seuil) là encore du XVIe siècle, qui impressionne avec son grand retable doré, ses murs en azuléjos historiés et son plafond en berceau. Et en revenant vers la place de bord de fleuve, une maison d’histoire du Fado propose de s’immerger dans cette culture musicale. Afin de faciliter la visite par des rues pavées pentues, il est toutefois préférable d’utiliser un véhicule…
Proche, le pittoresque village de pêcheurs de Santa Luzia, longé de nombreux petits bateaux à casiers, présente ses façades de maisons couvertes de carreaux destinés à combattre les remontées de sel dans les murs. Plus à l’ouest, la célèbre praia do Barril constitue autant une étape gastronomique (abordable) qu’un lieu de détente en bord de mer, où l’on parvient en empruntant l’ancien petit train des thoniers (accessible en fauteuil manuel avec aide) qui conduit, au-delà de la lagune, à leur ancien village transformé en centre touristique fréquenté autant par les visiteurs extérieurs que locaux. Le chemin à pied est également praticable en fauteuil roulant mais fait près de quatre kilomètres aller-retour… De cette époque rude subsiste un impressionnant « cimetière d’ancres » ponctuant le sable immaculé de ses formes sombres : succès garanti chez les photographes du monde entier ! L’accessibilité générale se fait par rampes et platelages, l’endroit disposant en outre de toilettes adaptées ainsi que d’un tiralo à demander aux secouristes.
Faro et sa région
Retour sur le rivage : Olhão (prononcer Olian) est une ville de pêcheurs débordante d’activité, l’une de celles où bat le coeur authentique de l’Algarve. Une visite au marché s’impose, élégantes halles de briques où s’exposent poissons, bien sûr (variés, ultra-frais, à des prix défiant toute concurrence) mais aussi, le samedi à l’extérieur, fruits, légumes et produits régionaux. Sourires méditerranéens sur tous les visages, et discussions en perspective (souvent en français) avec des artisans passionnés par leur métier et leur région. Toilettes adaptées côté femmes, à l’extérieur de la halle. Le vieux centre-ville est encore « dans son jus », où l’on déambule aisément (petits pavés) dans les rues étroites, entre les maisons anciennes, tours et détours permettant de découvrir ici une placette, là une église baroque… Industrie locale oblige, ne manquez pas de faire un crochet par la boutique de la conserverie (gros seuil), vous en ramènerez de délicieux souvenirs !
Toujours plus à l’ouest, Faro est la capitale de l’Algarve avec ses 65.000 habitants et un aéroport international qu’il est difficile d’ignorer puisque les avions survolent la ville ! C’est aussi le sud du sud du Portugal, dont elle occupe le point le plus méridional, tout contre la réserve naturelle de la Ria Formosa. Détruite en 1755, comme de nombreuses autres cités du pays, par le grand tremblement de terre dit de Lisbonne, elle a conservé quelques monuments antérieurs à la catastrophe et déploie un élégant centre-ancien où dominent les façades blanches. L’accessibilité n’y est guère assurée dans les monuments (à l’exception notable du musée archéologique) mais la déambulation urbaine demeure agréable, notamment en empruntant le petit train touristique, accessible, qui part du port et fait le tour des points d’intérêt de cette ville jeune et active.
À une quinzaine de kilomètres de Faro, il faut absolument faire halte dans l’église Saint-Laurent d’Almancil, aux murs et plafonds entièrement couverts d’azuléjos, dont la coupole couverte de majoliques est unique au monde. Les scènes peintes racontent la vie et le martyre du Saint-patron de cette église inattendue dans un aussi modeste village. Accès par rampes, stationnement réservé à proximité. En face, vous pourrez apercevoir le fronton de style chinois d’un modèle d’école primaire très répandu au Portugal, dû à Duarte Pacheco (1900-1943), ministre des Travaux publics du dictateur Salazar (1889-1970). Duarte Pacheco est né à quelques encablures de là, dans le bourg de Loulé, ancienne Al-Ulya, dont la commune s’étend jusqu’à la mer. L’ancien Président de la République portugaise (2006-2016), Aníbal Cavaco Silva, est également un enfant du pays. Bien que les rues pavées de calades ne soient pas d’un accès facile en fauteuil roulant, l’endroit, à la très riche histoire, est particulièrement pittoresque et mérite qu’on s’y arrête, quitte à se reposer ensuite à l’une des nombreuses terrasses qui s’étirent à l’ombre des grands arbres.
Le rendez-vous des baigneurs fêtards
Contrastant avec la douce simplicité de l’intérieur du pays, le littoral accumule les superlatifs, certains moins positifs que d’autres… Ainsi Vilamoura, sur la commune de Loulé, se résume-t-elle à une succession d’ensembles immobiliers et de loisirs avec villas luxueuses, marina bordée de restaurants et commerces, ainsi qu’une longue plage de sable (adaptée). Les touristes en raffolent. C’est un lieu à la mode où se croisent sans se rencontrer célébrités internationales, riches étrangers et curieux en tous genres : une autre manière de passer ses vacances… Quant aux jeunes-gens, surtout anglo-saxons, ils se donnent rendez-vous à Albufeira, station balnéaire dans l’esprit de Saint-Tropez, avec une évolution similaire et un site magnifique dominé par des falaises aux reflets d’or.
L’endroit, plus familial et moins snob que Vilamoura, est relativement accessible aux utilisateurs de fauteuils roulants, avec ascenseur et escalators, mais l’ambiance pop-festive, surtout le soir, est à réserver aux amateurs du genre… Autres falaises spectaculaires et accessibles à Carvoeiro, où l’on peut se promener sur un long platelage de bois dominant la mer avant d’aller s’amuser sur la plage (toilettes adaptées).
Un peu d’histoire…
Parenthèse de calme et d’authenticité à l’intérieur des terres : Silves est une ancienne capitale algarvienne fondée par les Phéniciens, qui fut romaine puis arabe avant d’être rattachée au Portugal au XIIIe siècle. De ces époques fastes, tremblement de terre oblige, ne subsiste guère que l’impressionnante forteresse de grès rouge dont on peut visiter les reliefs en fauteuil roulant (attention, forte pente) mais qui offre un spectacle beaucoup plus impressionnant depuis l’autre versant de la vallée, route de Junquera, découpant sa silhouette massive sur l’horizon comme un palais enchanté… En bas de cité, ne manquez pas l’ancien pilori, qui a fonctionné jusqu’au début du… XXe siècle, et surtout le splendide café DaRosa, décoré de majoliques, où se dégustent de divines pâtisseries ! Stationnement réservé au bas de la place.
Retour en zone touristique à Portimao, ancien port sardinier (en témoigne un musée accessible de plain-pied) devenu station balnéaire grand public mais très pratique pour les personnes handicapées motrices. Les amateurs de confort à prix raisonnable et de belles plages seront comblés. Non loin de là, celle d’Alvor déploie ses charmes, son platelage sur des kilomètres et ses tiralos de juillet à septembre. Elle est reliée, toujours par platelage, au vieux village de pêcheurs que l’on atteint en franchissant une jolie lagune peuplée d’oiseaux et de plantes endémiques : une promenade des plus poétiques.
L’élégante Lagos, située à une vingtaine de kilomètres plus à l’ouest, ouvre ses antiques murailles aux visiteurs. Fondée par les Carthaginois, elle fut romaine, wisigothe, byzantine, maure puis portugaise ! Le fameux Henri le navigateur, prince géographe de la fin du Moyen-Âge, y passa le plus clair de son existence. De cette importante cité maritime (aussi port négrier) qui a donné son nom à d’autres, dont la capitale du Nigeria, ne demeurent que le souvenir, quelques fiers vestiges et un centre-ancien animé aux multiples placettes et terrasses. Ne passez pas à côté de la (faussement) modeste église Saint-Antoine sans en visiter l’étourdissant et baroquissime décor intérieur rutilant de dorures. Accessibilité par rampes. Un petit musée attenant, de plain-pied, retrace l’histoire locale.
Sur la côte atlantique
La route, au-delà de Lagos, conduit au bout du monde. Littéralement : de la venteuse forteresse de Sagrès et ses « fornas », cavités par lesquelles remonte le ressac tumultueux de l’Atlantique, jusqu’au vertigineux cap Saint-Vincent, point le plus extrême de l’Algarve, la nature sauvage impose sa loi. Les visiteurs en fauteuil roulant prennent leur part du grand bol d’air grâce à des cheminements cimentés. Des toilettes accessibles sont disponibles sur demande au phare du cap Saint-Vincent. Ici commence la côte vincentine, sauvage ouest algarvien largement ignoré des touristes : paysages à couper le souffle, plages immenses évoquant « notre » Atlantique, dont celle de Monte Clérigo, à la frontière avec la province de l’Alentejo, a été rendue accessible grâce à un platelage, des toilettes adaptées et la mise à disposition de Tiralo en saison. Paisibles familles et surfeurs forcenés se côtoient en toute simplicité, où l’on partage à la bonne franquette le plaisir de jouir ensemble d’un si majestueux spectacle.
Jacques Vernes, mars 2016.
Sur le web, le site institutionnel du tourisme dans l’Algarve propose un survol très complet de la destination et de nombreuses suggestions de séjours, toutes thématiques confondues, mais sans indication d’accessibilité. Lesquelles seront à rechercher du côté du site officiel Visit Portugal dont certains moteurs de recherche incluent ce critère. Reste évidemment le contact humain (par mél), les professionnels du tourisme ayant à coeur de répondre à toutes les questions ! Notez enfin que la compagnie nationale TAP dessert quotidiennement l’Algarve via Lisbonne.