L’Alentejo est une vaste région située dans la moitié sud du Portugal, grosso modo entre Lisbonne et l’Algarve. Occupée par l’Homme dès la préhistoire, elle a vu défiler sur son sol Phéniciens, Celtes, Romains, Wisigoths, Arabes puis Chrétiens, tous ayant marqué villes et paysages : des siècles de conflits ! L’essor agricole et industriel, puis le tourisme ont heureusement apaisé les tensions et fortement contribué à faire de l’Alentejo un endroit où il fait bon vivre, ce qui n’a d’ailleurs pas échappé à de nombreux retraités du nord de l’Europe qui viennent y couler, à l’année longue, des jours ensoleillés moins agités et moins chers qu’en Algarve… Comme partout ailleurs au Portugal, l’accueil est chaleureux, souvent francophone, et si l’accessibilité n’est pas toujours au top des normes européennes, l’aide ne fait jamais défaut. N’hésitez pas à passer par les offices de tourisme, y compris dans les petites villes, leur personnel est souvent d’excellent conseil.
Alentejo salé
Situé non loin de l’embouchure du fleuve Sado, Alcácer do Sal est un bourg typique de la région et de son histoire, avec sa forteresse pluriséculaire dominant la plaine et les maisons immaculées groupées à son pied. L’occupation humaine remonte ici à la période mésolithique (- 10.000 ans) mais l’endroit a pris son essor avec la conquête romaine (IIe siècle avant notre ère) et le développement de l’industrie du sel. À l’époque arabe (VIIIe au XIIIe siècle), Alcácer do Sal devint une importante place-forte avant que les troupes du roi Alphonse II ne la conquièrent en 1217. L’inquisition ne s’abattit pas immédiatement sur les habitants, qui cohabitèrent longtemps avec les envahisseurs chrétiens avant d’être contraints à renier leur religion pour éviter le bûcher.
Ici a vu le jour Pedro Nunes, célèbre mathématicien du XVIe siècle, issu de l’une de ces familles musulmanes converties, dont une statue trône sur la place principale. La déambulation, de plain-pied, le long du fleuve est des plus agréables mais il vous faudra reprendre votre véhicule pour atteindre la partie fortifiée dont le sommet offre un extraordinaire point de vue sur la vallée ainsi qu’un musée archéologique accessible avec aide (fortes rampes) rempli de surprises… L’ancien couvent qui le surplombe est désormais occupé par une pousada. Cette chaîne d’hôtels de charme, propriété de l’État jusqu’en 2003 et gérée depuis par un groupe privé, met en valeur des sites historiques à l’instar des célèbres paradors espagnols mais à des tarifs bien plus abordables; si l’on peut y entrer sans être client pour admirer les lieux, l’accessibilité n’est pas toujours évidente : renseignez-vous.
Et l’océan ? Il roule ses vagues quelques kilomètres plus à l’est, du côté de Troia, station balnéaire ultramoderne implantée au bout d’une longue péninsule longeant l’embouchure du Sado, que l’on peut parcourir en voiture ou, plus rapide, traverser en ferry (accessible) depuis le port de Setúbal situé juste en face, en banlieue de Lisbonne. L’endroit et ses plages, très fréquenté en été, ne manque pas de charme hors-saison, pour de belles balades sur le littoral, ou la découverte, accessible grâce à un platelage, des ruines romaines de l’un des centres principaux de production de salaisons de poisson de l’époque antique : le garum que l’on produisait ici (sorte de nuoc-mâm romain) était réputé dans toute la Méditerranée. Renseignez-vous au « Welcome center » sur les jours et heures d’ouverture du site, qui varient d’une saison à l’autre… Autre atout de Troia : ses restaurants de poissons et fruits de mer toujours frais qui font le bonheur des gourmets !
Alentejo sucré.
À environ une heure de route à l’est d’Alcácer do Sal, Arraiolos est un autre village pittoresque construit en contrebas d’une immense forteresse que se disputèrent musulmans et chrétiens. Aujourd’hui abandonnée, cette fortification disproportionnée sert de théâtre à des événements culturels et, à l’instar de ses consoeurs, offre un superbe panorama sur la région : on peut l’atteindre en voiture et stationner au plus haut. Héritage direct de l’Histoire, ce qui fait encore aujourd’hui la réputation d’Arraiolos, ce sont ses tapis de laine : de véritables merveilles d’artisanat dont l’origine remonte aux Arabes et à l’expulsion de Lisbonne, à la fin du XVe siècle, par le roi Manuel 1er de familles maures qui ont apporté ici leur savoir-faire.
L’âge d’or a duré jusqu’au XIXe siècle mais la production, plus modeste, continue : on peut se faire une belle idée de cette évolution au Centre d’interprétation ouvert depuis 2011 au coeur du bourg dans un ancien hospice médiéval rendu pleinement accessible. Autres merveilles locales, gastronomiques celles-là, les pâtisseries : héritières des traditions monastiques, elles n’ont rien d’austère et enchantent les palais ! À chaque ville sa spécialité : ici ce sont les pastéis de toucinho qu’il faut absolument goûter, on ne vous dévoilera pas la recette… Au fil de votre séjour, profitez des boleimas de maçã, sericaia, doce dourado, queijinhos do céu, encharcada, bolo chibo, pinhoadas, alcomonias et autres, ils vous manqueront au retour !
Non loin de là mais presque sur une autre planète tant l’atmosphère y est différente, Évora, patrimoine mondial Unesco, est l’une des cités les plus visitées du pays. On vient du monde entier s’extasier, à juste titre, sur son spectaculaire rempart double (romain et médiéval) et son centre historique préservé au point d’en faire une véritable ville-musée. Stationner intra-muros relève de l’exploit mais les emplacements réservés sont relativement nombreux et respectés; mieux vaut toutefois, en période d’affluence, se rabattre sur les parkings extérieurs et déambuler ensuite en toute liberté dans les rues pavées. Fondée par les Celtes puis développée par les Romains (en témoignent notamment les vestiges miraculeusement préservés d’un temple), la cité a connu les mêmes vicissitudes que le reste du pays, avec une inquisition particulièrement sanguinaire sous le règne des monarques qui y établirent leur résidence. La très réputée université, fondée par les Jésuites au XVIe siècle, existe toujours et on peut en parcourir le bâtiment historique : entrée possible par l’étage en demandant à l’accueil. En période scolaire, vous croiserez des étudiants arborant les traditionnels costumes noirs à grande cape.
Si la majestueuse cathédrale et son cloître sont hélas inaccessibles en fauteuil roulant, le musée situé juste à côté se visite sans encombre, où l’on découvre quelques splendeurs rescapées du riche passé de la cité. Accessibles également, la richissime église Saint-François et sa fameuse « Chapelle des Os », attenante, qui attire la plupart des visiteurs en quête de sensations fortes (accès par élévateur). Moins de monde, évidemment, dans le petit musée religieux récemment ouvert sous les toits… S’il vous reste un peu de temps, ou si votre déambulation vous y conduit, n’hésitez pas à pénétrer dans la mairie où vous découvrirez, outre une étonnante architecture mêlant les styles, les vestiges d’un bain romain. Pour le reste, côté accessibilité vous pourrez utilement suivre les conseils de l’Office de tourisme ou consulter, en portugais, cette page dédiée sur le site de la municipalité. Avant de quitter Évora, faites en sorte de tester le fromage local, servi ici avec les amuse-bouche et les olives, en début de repas.
Alentejo minéral
À une dizaine de kilomètres à l’ouest d’Évora, en pleine campagne, le cromlech des Almendres, librement ouvert à la visite et accessible avec aide, est l’un des plus vastes et des mieux conservés d’Europe. Légué par les hommes du Néolithique (VIe millénaire avant notre ère), il aligne à flanc de colline ses mégalithes aux formes arrondies, tellurisme doux qui invite à la méditation ou à la contemplation. Les plantations de chênes-lièges, l’une des principales cultures de la région, s’étendent autour à l’infini… Autre minéralité dans les vins produits ici, que l’on peut découvrir sur place (à Adega Mayor par exemple, parfaitement accessible au nord d’Elvas) ou dans la Maison des vins d’Évora qui devrait bientôt déménager pour des locaux plus vastes et mieux accessibles.
Minéralité, toujours, plein est, du côté d’Estremoz, ville aussi ancienne mais bien plus industrieuse et moins touristique que ses consoeurs. Les points d’intérêt n’y manquent pourtant pas : le marbre, réputé depuis l’époque romaine, que l’on extrait des carrières alentour se déploie avec faste sur les palais, églises et principaux monuments, à commencer par la mairie, installée dans un ancien couvent et dont on peut apercevoir le cloître (rampe). Le splendide palais des marquis de Praia et Monforte a récemment été transformé en (petit) musée où les expositions temporaires complètent la collection ethnographique permanente. Discret accès par ascenseur sous le bâtiment principal. La partie fortifiée est quant à elle accessible en voiture, d’où l’on bénéficie d’un beau point de vue sur les environs et où l’on peut visiter l’ancienne mairie, sise dans un bâtiment médiéval transformé en espace d’expositions temporaires. Accès par élévateur.
En poussant davantage vers la frontière, après des kilomètres d’oliveraies, on découvre Elvas, au bout d’un gigantesque aqueduc, ceinte de remparts, dressée sur sa montagne comme un défi à l’ennemi (espagnol) et protégée par des fortins extérieurs dont le plus important, le fort de Graça, a récemment été rétrocédé par l’armée à la municipalité. Cette merveille d’ingénierie du XVIIIe siècle inspirée de Vauban, est partiellement accessible en fauteuil roulant (stationnement réservé au plus près de l’entrée), la visite se cantonnant aux parties basses occupées par les soldats : intéressant mais un peu frustrant quand on aperçoit les autres bâtiments qui dominent l’ensemble du haut de leurs vertigineux escaliers ! La vue sur l’Espagne, toute proche, et sur la ville, qui occupe la colline d’en face, vaut néanmoins le détour, tout comme l’ascension des rues d’Elvas, particulièrement pentues, pour admirer le panorama opposé; quelques emplacements réservés permettent d’y accéder en voiture.
Le reste de la découverte, quand on est à mobilité réduite, se résume à la spectaculaire place de la République, à quelques rues piétonnières situées en contrebas et au musée militaire de plain-pied. On serait presque tenté, ensuite, de franchir la frontière vers Badajoz mais on se dit qu’il reste encore beaucoup à découvrir en Alentejo !
Jacques Vernes, novembre 2017.
Sur le web, le site officiel Visit Alentejo propose, en français, un tour d’horizon complet de la destination sur de nombreuses thématiques mais sans mention d’accessibilité. Le site national Visit Portugal dispose en revanche, outre un puissant moteur de recherche multithématique, d’une rubrique spécifique où sont notamment listés les établissements hôteliers accessibles. On peut également y télécharger un guide des musées de l’Alentejo où figurent de précieuses données d’accessibilité.