Département le plus peuplé de la région Bourgogne-Franche-Comté, la Saône-et-Loire présente une diversité de paysages et un héritage patrimonial hors du commun. Sa position centrale, en amont du corridor rhodanien, en fait souvent une simple étape alors même que ses richesses offrent largement de quoi s’y arrêter : une destination en soi ! Ce qui suit, du nord au sud, n’est donc qu’un infime échantillon des possibles, y compris quand le handicap fait partie du voyage…
Le berceau de la photo
Chalon-sur-Saône, que d’aucuns aimeraient voir rebaptisée Chalon-en-Bourgogne pour mieux la placer sur la carte, est la plus grande ville du département mais elle n’en est pas la préfecture, dévolue à Mâcon. Fondée à l’époque antique (son histoire est sans doute bien plus ancienne), la cité a bénéficié de son emplacement géographique privilégié sur les grands axes de communication, avantage autant qu’inconvénient puisque cela lui a valu d’être longtemps disputée entre deux puissances rivales, Bourgogne et France, avant que celle-ci n’absorbe celle-là vers la fin du XVe siècle. Chalon devient alors une ville frontalière, place-forte en première ligne des guerres de religion. Paix et prospérité revenues, elle joue de nouveau la carte géographique, fluviale notamment, pour se développer jusqu’à l’ère industrielle dont elle est un grand pôle. Redevenue frontalière lors de la Seconde guerre mondiale (coupée en deux par la ligne de démarcation), elle sera un centre important de résistance. Chalon, de nos jours, semble toujours tirer son épingle du jeu, affichant un dynamisme de bon aloi malgré les différentes crises économiques.
Son centre-ville, bien vivant (en témoigne le célèbre festival Chalon dans la rue, modèle d’accessibilité), offre un vaste secteur piétonnier où il est agréable de déambuler parmi les maisons à colombages. Ne manquez pas de visiter la cathédrale Saint-Vincent, beau vaisseau de pierre bâti sur plusieurs siècles, où se trouve une maquette tactile. Pour une découverte plus approfondie, rendez-vous sur les quais de Saône, à l’Espace patrimoine, accessible par rampe, où l’on peut découvrir l’histoire de la ville, ses principaux centres d’intérêt, et bénéficier de conseils précieux. Si le musée Denon (archéologie, beaux-arts, ethnologie) reste inaccessible en fauteuil roulant, le musée Niépce, du nom du célèbre Chalonnais (1765-1833) qui inventa la photographie, offre une accessibilité partielle à ses collections ainsi qu’aux expositions temporaires en attendant de déménager un jour dans l’ancien hôpital de l’île Saint-Laurent. Ce dernier, dont l’histoire pluriséculaire a connu bien des vicissitudes, dispose d’une splendide pharmacie, l’une des premières en France (XVIIIe siècle) accessible sur demande, de plain-pied.
… et celui du Napoléon des Sourds
Au sud-est de Chalon, en Bresse bourguignonne, Louhans est un bourg pittoresque situé hors des flux touristiques mais dont le marché hebdomadaire compte parmi les plus réputés de France grâce aux volailles d’exception que l’on peut y trouver et qui font la réputation de la région, notamment en fin d’année à l’occasion des fameuses Glorieuses. Le reste du temps, on peut parcourir sa Grande rue aux 157 arcades médiévales, ensemble aussi rare que spectaculaire qui mérite amplement le détour, de même que le très bel hôtel-Dieu et son apothicairerie Renaissance, hélas inaccessibles en fauteuil roulant. Plus confidentiel mais accessible de plain-pied dans une annexe du même bâtiment, un petit musée rend, depuis 2013, hommage à un enfant du pays auquel les Sourds doivent beaucoup : Ferdinand Berthier (1803-1886). La muséographie, qui retrace l’histoire de cette émancipation encore à parachever, vaut d’être découverte en visite guidée, les bénévoles qui animent le lieu pouvant assurer un accueil personnalisé en LSF (lire également cet article). La tombe du « Napoléon des Sourds » est visible, quant à elle, au flanc droit de l’église de Sagy, village proche.
Chez les abbés de Cluny
À une soixantaine de kilomètres de Louhans, vers le sud-ouest via Tournus, à mi-chemin entre Chalon et Mâcon, Cluny est un incontournable pour quiconque se passionne d’art, d’histoire ou de spiritualité médiévale. Un article ne suffirait pas à décrire ce que fut cette abbaye gigantesque, emblématique, dont ne demeurent que de spectaculaires ruines, et ce que lui doit la civilisation occidentale. Pour s’en faire une idée, il faut se rendre sur place et effectuer la visite (globalement accessible) avec un audioguide ou, mieux, un guide-conférencier qui saura redonner vie à des espaces devenus virtuels… De nombreuses maquettes tactiles « tous publics » agrémentent la muséographie mais des visites descriptives sont disponibles sur demande. Stationnements réservés sur la place du 11 août 1944, non loin de l’entrée, et sur la place du marché toute proche. Surprise : outre les haras nationaux, l’École Nationale Supérieure des Arts et Métiers (Ensam) a investi une partie des lieux. Quant au bourg lui-même, il a réussi à concilier tourisme et authenticité, offrant une déambulation agréable au gré des vieilles rues et la possibilité de se restaurer ou déguster des produits du terroir à des prix raisonnables.
Les traces de Lamartine
À l’instar de sa « rivale » Chalon, Mâcon a été fondée pendant l’Antiquité sur les rives de la Saône, toujours dans le prolongement de l’axe rhodanien. Leur histoire se ressemble beaucoup : conflits entre Bourguignons et Français, puis établissement d’une frontière (avec la Savoie pour Mâcon) et développement du commerce puis de l’industrie. La ville demeure encore aujourd’hui, proximité avec Lyon aidant (70 km), l’un des principaux moteurs économiques de la région. Cela se voit, entre autres, par la qualité des infrastructures et des aménagements qui rendent la déambulation urbaine plutôt agréable malgré le fort trafic routier le long du fleuve, dont les berges ont été agréablement aménagées, où de nombreuses manifestations se déroulent tout au long de l’année. Le centre ancien, réduit à quelques rues piétonnes, offre de jolies façades dont une impressionnante maison à pans de bois (place aux Herbes) mais surtout des traboules dans le plus pur style lyonnais, en plus secret : on peut les découvrir à l’occasion des visites guidées proposées par l’office de tourisme, lesquelles suivent en outre les traces du Mâconnais le plus célèbre : Alphonse de Lamartine (1790-1869).
Les collections dédiées au poète-politicien dans le très élégant hôtel Senecé ont été récemment transférées au musée des Ursulines. Cet ancien couvent du XVIIe siècle, après avoir servi de maison d’arrêt puis de caserne, a été rétrocédé à la ville qui, à la fin des années 1960, y a installé ses collections archéologiques et des beaux-arts, complétées depuis par de l’ethnographie et de l’art contemporain. L’accessibilité tous handicaps est bonne; une salle inaccessible en fauteuil roulant bénéficie d’une compensation satisfaisante par interface informatique, des éléments tactiles sont disponibles sur demande pour les visiteurs déficients visuels. Stationnement réservé dans la cour. L’endroit, peu connu, réserve de belles surprises aux amateurs d’art avec de grands noms et des oeuvres surprenantes…
Randonnée post-mitterrandienne à Solutré
Dans la proximité de Mâcon, en plein vignoble de Pouilly-Fuissé, se trouve la célèbre roche de Solutré, site éponyme d’une culture paléolithique, le Solutréen, caractérisée par ses silex taillés en « feuille de laurier ». Labellisé Grand Site de France, l’endroit dispose d’un vaste espace d’accueil du public comprenant une partie muséographique parfaitement accessible en fauteuil roulant, avec restitution tactile de l’évolution géologique du paysage. Stationnement réservé au plus près de l’entrée basse et devant le musée de Préhistoire. Petite restauration disponible avec, en saison, une splendide terrasse donnant sur la vallée. Pour ce qui est de l’ascension proprement dite, sur les traces d’un certain président de la République ou de nos ancêtres préhistoriques, la très dynamique association Randicap Solidaire 71 organise toute l’année des randonnées en joëlette (prêt possible) : il suffit de la contacter pour une découverte, non seulement de la roche et du merveilleux panorama qui s’offre depuis son sommet, mais également d’autres destinations régionales, le tout dans une ambiance chaleureuse qui donne envie de revenir !
Jacques Vernes, avril 2018.
Sur le web, le site officiel du tourisme en Saône-et-Loire constitue une véritable mine d’informations sur la destination : largement matière à passer plusieurs séjours en variant les plaisirs ! L’édition 2018 du guide Tourisme et Handicap présente des hébergements, restaurants, sites et activités labellisés. Enfin, les offices locaux de tourisme, qui disposent des dernières informations en la matière, seront toujours à même de vous renseigner et vous aider à organiser vos vacances sur place : n’hésitez pas à faire appel à eux.