La Côte d’Azur, dont nous avons présenté quelques aspects touristiques, artistiques ou carnavalesques, reste une destination privilégiée à tous les sens du terme, où la diversité et la beauté des paysages se doublent d’une offre culturelle digne de l’immense conurbation que constitue cette partie du littoral méditerranéen. S’y rendre hors saison, outre des tarifs plus abordables, permet d’en jouir un peu à la manière des premiers touristes anglais, sous un soleil toujours présent mais plus « civilisé », en alternant promenades de bord de mer, collations en terrasse et loisirs indoor.
Ces premiers touristes, dont la plus célèbre fut la reine Victoria, on en retrouve le souvenir au musée Masséna, splendide demeure patricienne élevée à la fin du XIXe siècle sur la promenade des Anglais et léguée à la ville de Nice par les héritiers de Victor Masséna (1836-1910), duc de Rivoli, prince d’Essling, lui-même descendant du célèbre maréchal du Premier empire. Les conditions : que l’endroit devienne un musée d’histoire locale et que ses jardins soient ouverts au public. Promesse tenue par la ville, qui reçoit les hôtes de marque dans ses salons débordant de dorures, et les amateurs d’histoire dans la partie réservée aux collections de tableaux, sculptures et objets d’art parfois très rares. Ce n’est pas un musée des Beaux-arts (il en existe déjà un à Nice, dont seul le rez-de-chaussée est accessible en fauteuil roulant) mais bien un lieu où se côtoient la grande histoire napoléonienne, tableaux, documents et masque mortuaire à l’appui, et celle, plus proche de nous, des premiers touristes. Un passionnant voyage dans le temps que complètent des expositions temporaires dont l’actuelle, consacrée au cirque, déploie jusqu’au 2 février 2020 les trésors accumulés par le docteur Alain Frère, fondateur du musée de Vatan (Indre) : un véritable éblouissement ! Excellente accessibilité à tous les niveaux, entrée côté rue de France. Attention, le stationnement à proximité n’étant guère aisé, mieux vaut venir à pied ou en empruntant les transports en commun de l’agglomération, globalement accessibles.
Quittons la « prom », comme l’appellent affectueusement les Niçois, pour gagner un autre lieu emblématique de la ville : son stade, résidence officielle du mythique OGC, dont les derbys contre l’OM ou l’AS Monaco ont écrit quelques pages, parfois violentes, du football. Nous ne nous intéresserons pas ici à ce bâtiment ultramoderne (consultez ce lien pour les conditions d’accès, notamment aux matchs) mais au Musée National du Sport situé dans son enceinte. Inauguré en 2014, il a pris la relève de ceux, aussi discrets qu’itinérants, créés à Paris entre les années 1960 et 2000 et dont les très riches collections ont définitivement déménagé à cette occasion. Les espaces, vastes et de plain-pied, offrent un parcours chronologique des origines à nos jours, des dépôts de musées nationaux complétant la pléthore d’objets présentés dont certains à forte charge historique, symbolique ou émotionnelle, tels l’armoire de musculation de Léon Gambetta, une ceinture de boxe de Marcel Cerdan, une raquette de tennis de Yannick Noah ou un ballon de la coupe du monde de football de 1998 accompagné évidemment du célébrissime maillot numéro 10 de Zinedine Zidane… Le handisport n’est pas oublié. Les visiteurs déficients visuels disposent de pupitres intégrant le braille, des visites guidées (certaines en Langue des Signes Française) sont régulièrement organisées, ainsi que de spectaculaires expositions temporaires dont l’actuelle fait, jusqu’au 8 mars 2020, la part belle aux portraits d’athlètes, de la gueule d’ange à la gueule cassée… Stationnement aisé à proximité mais accès délicat près de l’autoroute : suivez bien le panneautage si vous voulez éviter de faire une involontaire « grande boucle » !
À quelques encablures de là (des années-lumière diront certains), sur les hauteurs de Cagnes, le musée Renoir a bénéficié de quelques aménagements depuis notre reportage de 2010. Tous les étages de la maison sont désormais desservis par ascenseur, occasion de mieux éprouver encore la sérénité de ces lieux chargés d’art où la muséographie, tout en douceur, alterne oeuvres peintes ou sculptées du maître (on célèbre en 2019 le centenaire de sa mort), photographies et éléments de mobilier dont le fameux fauteuil roulant de l’artiste vieillissant aux membres déformés par la polyarthrite rhumatoïde. On comprend mieux à quel point l’extraordinaire vue sur le golfe et la nature environnante (fortement urbanisée depuis) a pu inspirer ce génie de l’impressionnisme dont l’atelier indépendant de celui de la maison a été reconstitué à l’identique sur les hauteurs du terrain. La fermette des Colettes, qui a donné son nom au domaine, a également été ouverte au public; le rez-de-chaussée, accessible de plain-pied, accueille notamment une salle de projection. Le parking et la billetterie se situant désormais au bas de la propriété, une voiturette électrique équipée d’une rampe permet aux visiteurs handicapés moteurs de découvrir sans encombre les différents espaces. Si ce n’est déjà fait ou s’il vous reste un peu de temps (sinon prenez-le !) ne manquez pas de redescendre flâner en bord de mer : le petit port de pêche de Cagnes, l’un des derniers de la région, mérite réellement que l’on s’y attarde tant ses modestes pointus contrastent avec les yachts insolents qui encombrent les pontons d’autres ports…
Authenticité également à Vallauris, qui a su rester une ville « normale » et sauver une âme populaire dans une région réputée bourgeoise. Longtemps ouvrière, elle fut un bastion local du parti communiste auquel de grands artistes ont appartenu ou se sont sentis proches au cours des années 1950 et 60, parmi lesquels le démiurge Pablo Picasso (1881-1973) qui a offert à Vallauris l’une de ses oeuvres maîtresses : La guerre et la paix. Installée dans le prolongement de la chapelle du château (accès par rampes), cette composition laïque à la fois monumentale et intimiste bouleverse par sa charge symbolique et adresse à chacun un message aussi immédiatement compréhensible que brûlant d’actualité. Une splendide collection de céramiques du maître complète la visite au rez-de-chaussée du château dont l’étage demeure inaccessible en fauteuil roulant. Quelques seuils peuvent se franchir avec aide mais le déploiement des rampes s’avère utile : mieux vaut donc prévenir de votre passage, surtout aux périodes d’affluence. Non loin de là, la vieille place du marché s’orne d’un bronze que le monde entier envie aux Vallauriens : L’Homme au mouton, offert par l’artiste à la ville en 1949 et qui veille depuis sur les habitants. Au bas de la rue principale ponctuée d’ateliers de céramique (certains réellement prometteurs), la mythique manufacture Madoura, où Picasso produisit la majeure partie de ses terres cuites ornées (et que fréquentèrent aussi Chagall ou Matisse), se visite moyennant le franchissement d’un gros seuil. Quelques pièces originales y côtoient, avec plus ou moins de bonheur, des productions plus récentes mais l’endroit a conservé une partie de sa magie. N’hésitez pas à vous joindre à l’une des nombreuses visites organisées par l’Office du Tourisme, elles sont passionnantes.
Achevons cette escapade culturelle sur les hauteurs de Saint-Paul de Vence par l’une des institutions les plus prestigieuses de la Côte-d’Azur, historiquement l’une des premières du genre en France : la Fondation Maeght. Créée dans les années 1960 par un couple d’amateurs d’art d’origine modeste mais fort bien entouré (c’était possible à l’époque !), elle constitue en soi une oeuvre totale fusionnant nature et culture dans un décor qui flirte avec le sublime. Que l’on soit ou non sensible à l’Art Moderne et contemporain, surtout dans cette dernière occurrence, c’est un lieu où il faut absolument conduire ses pas… ou ses roues puisque, à l’exception du labyrinthe conçu par le peintre et sculpteur Joan Miró (protégé par ses ayants-droits), la presque entièreté des bâtiments est accessible. Outre un jardin et des terrasses parsemés de sculptures (dont de célébrissimes Giacometti), les salles présentent, sous forme d’expositions temporaires où ils dialoguent avec d’autres oeuvres, les trésors que renferme la Fondation. Après une exposition Miró qui fera date et se termine tout juste, viendra l’étrange quotidienneté de Ra’anan Levy (né en 1954), du 7 décembre 2019 au 8 mars 2020. Dans l’intervalle, certaines salles seront fermées mais les vitraux de Braque de la chapelle, les jardins et leurs merveilleux points de vue resteront ouverts, de même que le café, dont le mobilier également signé Giacometti en fait probablement l’un des plus précieux au monde ! Entrée gratuite pour les visiteurs handicapés, stationnement réservé sur le parking situé en contrebas de l’entrée. Vous repartirez de là avec des couleurs plein la tête…
Jacques Vernes, novembre 2019.
Sur le web, le site officiel Côte d’Azur Tourisme permet d’organiser un séjour de A à Z quelle qu’en soit la thématique, avec une page spécifiquement dédiée aux établissements handi-friendly. Pour ce qui est du label Tourisme et handicap, suivez ce lien sur le site du département des Alpes Maritimes. La ville de Nice propose par ailleurs un guide spécifique très complet. Sachez enfin que les personnels des différents offices de tourisme de la région sont formés à l’accueil du public handicapé : n’hésitez pas à entrer en contact avec eux pour préparer votre séjour.