Prisées de longue date par les visiteurs en quête de tourisme « doux », les Charentes le sont aussi par ceux en situation de handicap. Les deux départements soutiennent et promeuvent en effet, depuis sa création en 2001, la marque nationale Tourisme et handicap qui garantit un accueil optimal dans chaque catégorie de handicap : ils rassemblent plus du dixième des sites labellisés ! Tous les domaines sont concernés, de l’hébergement-restauration aux activités culturelles ou de loisirs, à l’intérieur des terres comme en bord de mer. Prestataires et collectivités sont particulièrement impliqués dans ce partage de terroirs et surtout de passions.
Gallo-romains en bande-dessinée
Du côté de Chassenon, à une soixantaine de kilomètres au sud-est d’Angoulême, se dressent les anciens thermes de Cassinomagus, vestiges spectaculaires d’une cité gallo-romaine autrefois prospère. Ils comptent parmi les mieux préservés d’Europe.
Visiter les lieux avec un guide est un must qui se réserve à l’avance mais le centre d’interprétation, parfaitement accessible et où l’on peut également se restaurer, offre un excellent préambule avec sa grande maquette et ses objets retrouvés sur place. Certains, telle une bulla en or ayant appartenu à un bambin local, s’avèrent particulièrement émouvants. Les enfants d’aujourd’hui disposent de jeux spécialement conçus pour eux. Si l’accessibilité au site présente quelques chaos en fauteuil roulant, notamment dans les parties des soubassements encore en élévation, le cheminement autour des piscines se fait sans encombre et la magie du voyage dans le temps opère…
Pour séjourner à proximité, et rayonner sur cette partie du territoire, la maison d’hôtes Les Galaines est une étape dont la réputation n’est plus à faire : située à Abzac, cette ancienne longère a été restaurée avec goût, en pleine accessibilité. Et pour cause : le handicap fait partie de la vie de Carole et François Weller qui vous recevront. Vous pourrez même, en prévenant à l’avance, disposer d’un lit médicalisé et d’un chariot de douche.
Autre cité gallo-romaine, dont subsistent peu de vestiges antiques mais dont le nom rayonne désormais à l’international, Angoulême offre un centre ancien où il fait bon déambuler malgré les secteurs pavés. Les amateurs de façades Renaissance seront à la fête, ceux de BD aussi : outre de splendides fresques murales, la ville dispose d’un passionnant musée consacré au « neuvième art. » Situé en bord de Charente, le bâtiment permet d’en découvrir l’histoire à travers de nombreuses planches originales, certaines rarissimes. Stationnement aisé sur le vaste parking attenant. Prélude ou prolongement logique à cette visite, celle du Musée du papier s’impose d’autant plus qu’il est situé sur une île toute proche et retrace la saga d’une industrie qui connut ici ses heures de gloire. À ne manquer sous aucun prétexte lors du célébrissime festival international de la bande-dessinée où l’accessibilité de tous les publics à tous les événements est également prise en compte.
Dans la ville haute, un panorama sur la vallée est accessible depuis le jardin des Jumelages, en contrebas de la place du Palet, sur les anciens remparts. La cathédrale Saint-Pierre, dont l’étonnant portail pourrait constituer une sorte de « préhistoire de la BD », est une merveille romane accessible par le côté. Attenant à l’édifice, le Musée d’Angoulême, a reçu le prix Musée pour tous en 2009 : la qualité de sa muséographie ultramoderne en fait un modèle du genre, qu’il faut absolument visiter, ne serait-ce que pour la diversité des collections qui s’étendent de la Préhistoire à l’Art Moderne avec un détour inattendu par les Arts premiers. À quelques encablures de là, près des halles, l’émouvant Espace mémoriel de la résistance et de la déportation, accessible de plain-pied, rappelle les heures sombres de la région avec toutefois ses héros dont des expositions temporaires entretiennent une mémoire vivante. La BD, ici aussi, tient son rôle auprès des jeunes générations.
Des pieds aux claires
Pieds de vigne bien sûr, lesquels s’étendent à perte de vue de part et d’autre du fleuve, jusqu’à l’embouchure et même le littoral. Images « instagramables » garanties, surtout en automne ! Les « jus » que les viticulteurs tirent des cépages locaux ont fait le tour du monde : pineaux, bien sûr, qui font le bonheur des apéritifs ou des desserts, mais surtout cognacs dont l’histoire remonte à la Renaissance. Un joyau national que les étrangers nous envient au point d’en consommer la quasi-totalité ! Comme on s’en doute, il en va de ces nectars comme d’autres tout aussi prestigieux : il ne faut pas en abuser et le choix sur place est pléthorique, de la grande maison mondialement célèbre au petit producteur local, avec la même exigence d’excellence.
Dans la mythique ville de Cognac, qui vit naître le roi François Ier et l’Européen Jean Monnet, les grandes maisons ont évidemment pignon sur rue. Parmi les mieux accessibles et à la muséographie la plus aboutie, Hennessy domine la Charente dont les quais ont été aménagés en promenade. La visite, accessible dans sa totalité en fauteuil roulant, débute par une courte traversée en bateau pour atteindre des chais transformés en espace d’initiation au divin breuvage, son terroir, les hommes qui l’ont créé et ceux qui assurent sa pérennité : la double distillation n’aura plus de secret pour vous ! Après un passage par un chai en activité et son fameux « paradis » aux dates improbables, vous serez conviés, de retour dans le bâtiment principal, à une dégustation dans les règles de l’art. Difficile, ensuite, de résister à la boutique mais il y en a pour tous les budgets…
À une vingtaine de kilomètres au sud de Cognac, en plein vignoble, le bourg d’Archiac abrite une variante plus locale des luxueux espaces évoqués ci-avant. Plus humble, certes, mais non moins instructive et accessible, la très moderne Maison de la vigne et des saveurs est gérée par une collectivité locale qui tient à mettre en avant ses viticulteurs. Certains produisent leurs propres nectars, que l’on peut déguster avant de se lancer à la découverte du terroir et de ses chais. Cerise sur le gâteau : la boutique ne se limite pas aux produits de la vigne ! Comme ailleurs, toilettes adaptées et stationnements réservés sont de rigueur, de même qu’un accueil particulièrement attentionné.
Les claires ? Du côté de Marennes, ce ne sont pas que des prénoms : vous le découvrirez à la bien-nommée Cité de l’huître, au bout d’une longue route entourée de marais. L’endroit, qui comporte plusieurs stationnements réservés au plus près de l’entrée, évoque une cité lacustre où de poétiques cabanes de bois renferment les secrets entourant la naissance de ce coquillage aux multiples saveurs. Amateur ou non, connaître l’histoire de cette culture à nulle autre pareille s’avère aussi passionnant qu’inattendu : saviez-vous, par exemple, que l’appellation Marennes réfère à une méthode d’affinage et non à une variété d’huître ? De nombreuses animations sont proposées sur place, dont un apprentissage, fort utile, de l’ouverture du coquillage, ainsi évidemment qu’un espace restauration proposant le nec plus ultra de ces trésors locaux où figurent aussi les savoureuses crevettes impériales des marais.
Entre terre et mer
En Charente-maritime, certaines routes franchissent l’océan ! Certes pas sur une grande distance mais tout de même, il y a un peu de Floride dans l’air quand on se rend à Oléron ou Ré, un peu d’aventure à quitter le continent. Longtemps assimilée au tourisme de masse, Oléron retrouve peu à peu le secret qui fait le charme des îles. D’élégants complexes hôteliers, certains avec thalassothérapie, accueillent les visiteurs en quête de calme, à Saint-Trojan notamment. On peut se contenter d’y passer quelques heures relaxantes en terrasse… On peut aussi pousser au bout du bout jusqu’au phare de Chassiron, pris d’assaut en haute saison mais éminemment romantique le reste du temps. Faute d’en gravir les innombrables marches, qui rebutent d’ailleurs plus d’un visiteur valide, vous pourrez jouir du paysage à couper le souffle qui se déploie depuis la pointe : en face, c’est le Canada ! Outre un jardin circulaire multi-thématique alternant potagers, évocations paysagères et artistiques, le site offre un espace muséographique, accessible par élévateur, retraçant la rude vie des pêcheurs et leur usage des énigmatiques écluses à poissons qui n’apparaissent, aux yeux du profane, qu’à marée basse.
Autre méthode de pêche à la fois ludique et poétique : le carrelet dont un modèle pédagogique, accessible en fauteuil roulant a été monté à Fouras, près de l’estuaire de la Charente, par une association locale. Perchés au-dessus de l’eau sur un platelage de bois, vous pourrez manœuvrer le treuil qui actionne le filet. Un petit quart d’heure plus tard, après avoir pris une collation dans la cabane ou simplement contemplé le paysage changeant qui s’offre à vos yeux, écouté le clapotis de l’eau, vous pourrez découvrir, en remontant le carrelet, l’ampleur de votre pêche : crevettes, poissons… ou rien du tout ! Les quarts d’heures s’enchaînent : tout le plaisir est là, simple, convivial mais privilégié car tout le monde n’a pas la chance d’accéder à ces spots. Stationnement aisé à proximité. Toujours à Fouras, Boyard Croisière a fait construire le Révolt’, un catamaran spécialement équipé pour recevoir des passagers handicapés : les mini-croisières que proposent ses initiateurs, par ailleurs baroudeurs des mers, vous permettront de naviguer jusqu’au célèbre fort Boyard et au-delà en toute sérénité.
Autre lieu suspendu entre terre et mer dont la réputation n’est plus à faire : la très chic île de Ré. Le pont qui permet d’y accéder est payant (celui d’Oléron reste gratuit) mais quel bonheur, ensuite, de se perdre entre rivages, vignobles, marais et bourgs ! L’affluence et donc le stationnement pouvant s’avérer difficiles en haute saison, on ne saurait trop recommander les périodes où l’île redevient elle-même et la cohabitation harmonieuse entre visiteurs et résidents. Sachez, le cas échéant, que vous pourrez demander un code d’accès au centre piétonnier de Saint-Martin en vous adressant à l’Office de tourisme, à côté duquel se trouve une place de stationnement réservé. Le plus agréable, pour découvrir les aspects les plus authentiques de l’île, demeure le vélo, qui peut se glisser partout et dispose de pistes spécifiques. Un loueur, Ré côtes à côtes, propose des engins biplaces à assistance électrique grâce auxquels, moyennant un transfert et la présence d’un compagnon de route, vous pourrez partir nez au vent pendant quelques heures voire une journée entière : de vraies vacances écologiques !
Chez les demoiselles puis les quatre sergents
Lovée sur la rive droite de la Charente, Rochefort est une ancienne « ville nouvelle » du XVIIe siècle dont le passé doit tout à la marine : merci Colbert ! Avec ses rues se coupant à angles droits et ses larges avenues aux trottoirs accueillants, le patrimoine urbain est remarquable : il suffit de lever les yeux pour s’en rendre compte… ou (re)voir le célébrissime chef d’œuvre de Jacques Demy dans lequel les fameuses Demoiselles tiennent autant la vedette que la cité elle-même ! L’Office de tourisme propose d’ailleurs une visite autour du film. On peut s’étonner de ce que la Corderie royale n’y apparaisse pas mais il faut se souvenir que cet extraordinaire édifice n’a été restauré qu’à partir des années 1970 avant d’être affecté à diverses activités dont le Centre international de la mer, ouvert au public et qui vaut réellement le déplacement pour un tour exhaustif du sujet en toute accessibilité !
Autre espace muséal pleinement accessible, le musée Hèbre, en centre-ville, vous permet de suivre les pas et le regard de l’autre célébrité rochefortaise : Pierre Loti (1850-1923), marin, écrivain, voyageur, rêveur, dont la maison est en cours de restauration depuis de nombreuses années mais ne rouvrira pas pour le centenaire de sa mort : bien qu’une solution de mise en accessibilité ait été trouvée en utilisant un immeuble mitoyen, la ville l’a finalement écartée pour de triviales raisons financières… Les collections du musée Hèbre, outre un spectaculaire plan-relief de la ville, comportent de nombreux objets « exotiques » ainsi qu’un espace permettant de visiter virtuellement, sur réservation, le palais mauresque de cet attachant personnage.
À une trentaine de kilomètres de Rochefort, La Rochelle est la plus grande agglomération charentaise. Ses multiples ports, certains maintenus à flot par des écluses, en font une véritable cité sur l’océan, raison pour laquelle y est organisé tous les ans le célèbre Grand Pavois rassemblant des constructeurs navals du monde entier. La très riche histoire de cette cité rebelle est entrée dans nos manuels scolaires avec le terrible siège dont elle fut l’objet par Richelieu au XVIIe siècle mais sa richesse architecturale, qui a perduré, se laisse toujours découvrir en flânant dans la vieille ville où les secteurs pavés savent se faire « wheelchair friendly. » Un article complet ne suffirait pas à en détailler les attraits. Sachez que si les emblématiques et photogéniques tours sont peu accessibles aux visiteurs à mobilité réduite, le très réputé aquarium est grand ouvert à tous les publics, que ses bassins renferment des merveilles venues du monde entier, que l’on peut s’y restaurer et y stationner sans stress.
Un coup de cœur pour achever ce rapide tour d’horizon : à Angoulins, en périphérie de La Rochelle, le parc de loisirs indoor The Peak est une structure unique en son genre qui offre aux amateurs, valides et handicapés, de sensations fortes leur dose d’adrénaline : toboggan vertical, escalade tous niveaux, parcours au sol et en hauteur, le tout parfaitement adapté : des fauteuils de sport sont même mis à disposition pour des moments de partage en toute sécurité.
Et les quatre sergents, alors ? Venez en Charentes découvrir leur histoire !
Jacques Vernes, mars 2023.