Julien Prunet a suivi les cours du Centre de Formation de Journalistes de Paris et de l’Institut de Droit comparé. Il était également titulaire d’un DEA de Sciences Politiques et d’une licence de droit international public et droits de l’Homme. Il est entré à Radio France en 1997, d’abord stagiaire à France Culture. Dès 1998, il rejoint l’équipe de France Info où il est successivement chroniqueur puis journaliste. Depuis le 1er mai 2001, Julien Prunet assurait au quotidien la chronique « France Info plus », le dossier de la rédaction.
Aurélie Kieffer, chroniqueuse à France-Info (rubrique « Web junior ») et responsable du site Internet de cette radio : « J’ai rencontré Julien lors de son premier stage à France Culture. Je démarrais alors la présentation des journaux de la nuit sur France Info, et je l’ai présenté à tout le monde dans la radio. Il a impressionné les gens, bluffés par ‘l’aveugle qui réussit’. De copains, nous sommes devenus amis, et il était même mon meilleur ami. J’ai plein de souvenirs de Julien, ça dépasse le cadre de la radio. Il s’était beaucoup investi pour entrer à l’école de journalisme, travailler dans ce métier, il était dynamique, positif, généreux, s’intéressait au travail des autres. Il était avide de découvertes. Dans un petit sujet, il allait chercher l’élément qui pourrait retenir l’attention de l’auditeur. Dans la vie, il ne se posait pas de questions. Pour lui, l’important c’était d’aller de l’avant, même au risque d’un accident. Il s’est donné la mobilité. Parfois, on se mettait ensemble à courir dans les couloirs de la Maison de la Radio; il y a subi quelques accidents en rentrant dans des portes qu’il ne pouvait pas voir ! Il aimait le reportage, avait adoré New- York [il y était envoyé spécial à l’occasion de l’élection présidentielle 2000 NDLR]. Le rêve de Julien, c’était de voyager, en regrettant de ne pouvoir le faire seul »…
Patrice Radiguet, directeur des Mirauds Volants (Association européenne des pilotes handicapés visuels) : « Julien a participé à deux stages de pilotage organisés par l’association, en novembre 2001 et mai 2002. Il a découvert cette activité par l’intermédiaire de l’un de ses amis journalistes, Nicolas Poincaré. Julien avait un contact extraordinaire, une faculté rare à s’émerveiller des choses à chaque fois qu’il les faisait. Se mettre aux commandes d’un avion était pour lui une joie extraordinaire. Il était le boute- en- train du groupe, il voulait partager son bonheur. Il avait également apporté son aide à l’association en regrettant de ne pouvoir faire davantage par manque de disponibilité. Sa disparition brutale m’a surpris, on avait longuement discuté lors de son séjour, on logeait dans la même chambre. Julien avait l’habitude d’aller au bout des choses, quand on a sa personnalité et un handicap, on doit être meilleur que les autres. Julien avait fait ce choix, mais avec un poids terrible. Il aimait son métier et en parlait avec une grande humilité. Le prix d’excellence, ce sont les autres qui l’ont renvoyé »…
Jean-Pierre Gantet, président de l’association Paul Guinot : « Julien Prunet nous a quitté comme un oiseau foudroyé en plein vol. Depuis, les hommages ne cessent de pleuvoir que ce soit à la radio. à la télévision ou dans la presse. Nous en sommes heureux pour sa famille et ses proches car cela prouve à quel point ce garçon hors du commun était connu et apprécié de tous. Pour nous, à l’Association Paul Guinot, c’est plutôt le vide, un très grand vide au fond duquel ne se trouvent que consternation, incompréhension et une immense tristesse. Pour nous, Julien était plus qu’un ami, c’était une référence, notre joie de vivre. Drôle, sympathique, agréable, il avait tout pour plaire. Notre journal était son enfant chéri et c’est d’ailleurs touchant de constater à quel point il tenait à son titre de rédacteur en chef, lui qui ne se vantait jamais. Il faut reconnaître qu’il avait métamorphosé notre triste « Voix des Aveugles » en une « VéDéa » jeune, pimpante, éclectique, construite toute à son image. Il faut dire que Julien n’était pas un journaliste du style ‘je sais tout, je connais tout, je vais vous expliquer’ mais plutôt du genre à s’intéresser à tout, à tout aimer, à se passionner pour tout »…
Sophie Massieu, journaliste : « Julien était passionné de radio, dès l’enfance il écoutait Radio Tirana (Albanie) sur les ondes courtes sans comprendre la langue ! Il a tété la radio au biberon, il est devenu journaliste de radio naturellement. Et pourtant, monter des reportages en coupant la bande aux ciseaux pour la coller avec du scotch est particulièrement difficile pour un aveugle. Julien devait le faire, comme ses confrères. Il avait ses trucs pour calculer le temps dont il disposait pour ses chroniques en fonction de la longueur de la bande, un véritable système D. Julien était d’une grande rigueur professionnelle, cultivé, parfois bluffeur. Il est parti au sommet de la vague, j’ai perdu un ami. Quand on a un handicap lourd, et la cécité en est un, il faut évidemment être meilleur que les autres; on vous guette, on veut bien vous aider à condition que vous en fassiez plus que les autres. On vous intime l’ordre de réussir votre vie. Cela met une pression très forte, au risque de craquer. Depuis la disparition de Julien, la plupart des personnes qui m’appellent me parlent d’un aveugle qui avait réussi à devenir journaliste. Julien était d’abord un journaliste talentueux, qui avait cette caractéristique particulière d’être aveugle »…
Propos recueillis par Laurent Lejard, juin 2002
France Info rend hommage à Julien Prunet et a ouvert un livre d’or en ligne.