Les aveugles français sont trois fois moins nombreux que les anglais à utiliser un chien-guide d’aveugle. « Pourtant, le chien-guide permet l’autonomie quasi totale dans la vie urbaine », explique Paul Charles, président de la Fédération Française des Associations de Chiens-guides d’aveugles (FFAC). Il estime à 1.500 le nombre « d’équipages » chien-maître en activité, un chiffre qui n’a quasiment pas évolué depuis dix ans. 180 chiens ont été remis en 2010, la Fédération espère atteindre 200 remises en 2011 et 250 en 2012, et ramener le délai d’attente à 6 mois. Cet aspect est particulièrement important, une part des remises consistant à remplacer un chien trop âgé pour travailler. Mais l’équipement en chien-guide reste faible, la population française d’aveugles complets étant estimée à 60.000 personnes. La FFAC en tire l’enseignement que la nette amélioration de l’autonomie qu’apporte le chien-guide est mal connue des aveugles eux-mêmes, et lance une campagne médiatique d’information intitulée « Gagnez en autonomie avec le chien-guide d’aveugle ». Le grand public est également concerné : d’une part afin qu’il connaisse mieux la réglementation relative à l’accès aux commerces et services publics ou privés, et d’autre part pour apporter une contribution financière lors d’actions de collecte au fil de l’année.
En effet, élevage et éducation des chiens-guides demeurent financés par la charité publique. « Lors de l’élaboration de la loi de février 2005, les politiques ne voulaient pas mettre le doigt dans le financement, rappelle Paul Charles. On n’est pas très à l’aise pour répondre ! Les chiens sont financés par le caritatif, il n’est pas question de l’abandonner. A nous d’obtenir davantage en prenant appui sur la compensation par l’aide animalière reconnue par la loi. » Et de rappeller que le Fonds d’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (F.I.P.H.F.P) prend en charge le salaire d’un fonctionnaire durant le stage de « prise en main » du chien-guide, alors que dans le secteur privé les salariés sont contraints d’utiliser une période de congés. La situation n’évolue pas : les écoles de chiens-guides dépendent de clubs de charité, de dons et legs, parfois de subventions des collectivités territoriales, et le maître reçoit mensuellement 50€ de Prestation de Compensation du Handicap (P.C.H) pour l’entretien toutes dépenses comprises de l’animal, un montant inchangé depuis 5 ans et qui s’avère insuffisant.
Opter pour l’assistance par chien-guide résulte d’un choix très personnel, inscrit dans l’histoire de la personne aveugle : « Les passants abordent la personne après le chien, relève Vanessa Lévy, figure de proue de la campagne aux côtés de l’animateur télé Stéphane Bern. Le chien apporte un confort de déplacement, slalome entre les obstacles, entre dans les transports. Il est accepté partout, mais il y a quelques soucis à Paris avec des chauffeurs de taxis et certains vigiles; parfois ça peut aller plus loin en matière d’absence de respect de la loi… » Vanessa Lévy déplore par ailleurs que si l’on parle beaucoup de l’accessibilité handicap moteur, celle des déficients visuels soit ignorée. « Malgré les lois de 1982, 1987, 2005, des problèmes subsistent, poursuit Michel Rossetti, vice-président de la FFAC et utilisateur d’un chien-guide. Le chien doit entrer dans tous les établissements. On peut encore comprendre que des gens ne connaissent pas la loi, on traite une centaine de cas dans l’année. Mais la jurisprudence est très pauvre, peu d’aveugles font une procédure. Les taxis sont notre bête noire, même si les sociétés font de l’information et sensibilisation. » La FFAC demande que soit créé un statut du chien-guide, pour aller vers une nouvelle évolution de ce vivre ensemble qui donne une autre dimension au « plus fidèle ami de l’homme ».
Laurent Lejard, juin 2011.