Responsable du centre d’activités Roubaix-Nord-Pas de Calais de l’Union Nationale des Aveugles et Déficients Visuels (Unadev), Wahiba Baha a su saisir l’occasion quand elle s’est présentée : en juin 2014 France 3 venait filmer une initiation de personnes déficientes visuelles à la conduite automobile organisée par l’association sur un parking de Villeneuve d’Ascq (Nord), elle a proposé une chronique handicap, la rédaction lui a demandé d’écrire très rapidement un projet, et après les discussions d’usage puis un essai, la première a eu lieu en septembre 2014 dans la matinale présentée par Christine Defurne, Nord Pas-de-Calais matin. Hebdomadaire, Handi’namique est diffusée chaque mardi vers 10h10, après le premier invité. Du direct sans filet pour une journaliste autodidacte titulaire d’un BEP de standardiste et qui s’avère à l’aise face au micro et aux caméras : « Cela demande du travail. Je lis beaucoup, je regarde ce qui se passe, je reçois des communiqués de presse, contacte les associations, interviewe, rédige la chronique un mois d’avance. Elle dure 3 à 4 minutes, il faut aller à l’essentiel. L’objectif est de parler positivement du handicap. » Wahiba avait déjà l’expérience d’un autre média, la radio, assurant en 2013 une émission sur le handicap pendant un an sur la calaisienne Radio Boomerang : « J’étais plus à l’aise, parce que la radio est plus spontanée. Mais porter une émission est compliqué, et j’avais très peu de retour de la part des associations, des organisateurs d’événements et d’auditeurs. »
Devenue aveugle à 17 ans, Wahiba Baha habite à Lys-les-Lannoy (Nord), l’une des rares communes de France dont le Conseil Municipal comporte deux conseillers handicapés (qui ne s’entendent pas, ainsi que nous le retracions dans cet article, mais c’est une autre histoire). Engagée, elle travaille à temps partiel pour l’Unadev et fait de l’animation et de la sensibilisation handicap auprès d’entreprises en mal de recrutement de travailleurs handicapés. Au quotidien, elle se déplace avec une canne blanche : « Par rapport à il y a 20 ans, il y a du mieux. Mais l’accessibilité n’est pas une priorité budgétaire. Déjà, au niveau associatif on n’arrive pas à s’entendre au préalable, ce qui empêche d’avancer. Par exemple, la Communauté Urbaine de Lille a récemment demandé à un aveugle si les bandes podo-tactiles lui étaient utiles, il a dit non à titre personnel, il s’est fait lapider par les autres associations ! Les gens ne s’écoutent pas. »
Voilà un intéressant sujet, mais qu’elle ne pourra pas aborder dans Handi’namique, dont le cadre éditorial ne lui permet pas de traiter les sujets difficiles, voire polémiques : elle doit se concentrer sur les personnes handicapées qui bougent, qui prennent des initiatives. La chronique s’efforce de coller à l’actualité, en évoquant les vacances, les sports d’hiver, l’amour pour la Saint-Valentin, le tourisme lors des journées nationales Tourisme et Handicaps, les nouvelles technologies, la parentalité, l’autisme à l’occasion du lancement de cours de piano spécialisés à Lille. Sa prochaine chronique portera sur handicap et cinéma, au moment du festival du film de Cannes. Pour travailler, elle dispose des moyens techniques de France 3, assistée d’un cadreur pour filmer en extérieur : ils dialoguent pour définir les images intéressantes, positionner les intervenants. Wahiba Baha réalise également des interviews de plateau, pour lesquelles ses invités handicapés n’ont pas encore buté sur l’inaccessibilité des locaux de la chaîne : trois marches pour entrer plus quatre autres pour accéder au plateau (avec comme palliatif une simple rampe mobile), rédhibitoire en fauteuil roulant motorisé !
utre bémol : si la chronique, réalisée sur son temps de travail à l’Unadev (en accord avec l’association), est bénévole, les frais engagés pour les reportages ne sont pas couverts. Pourtant cela ne décourage pas Wahiba : « Il faut savoir pourquoi on le fait. Ça m’a permis de connaître le milieu, d’avoir de l’expérience. » Et lui donner envie d’aller plus loin, en se formant au journalisme : « On n’en a pas encore parlé avec la rédaction. Mais j’y pense depuis longtemps. Je sais que c’est là que je veux m’orienter. » Une future Sophie Massieu ?
Laurent Lejard, mai 2015.