Comme on s’en souvient, en 2013 a été créée la Fondation Valentin Haüy ayant pour objectif « de lever des fonds auprès de mécènes et de philanthropes pour contribuer à sa mission [celle de l’Association Valentin Haüy] envers les personnes aveugles ou malvoyantes ». À l’époque, l’AVH a consenti à transférer à la Fondation 80% de son patrimoine financier. Depuis, l’association se disloque inexorablement, recherchant avant tout la rentabilité financière au détriment de ses usagers aveugles et malvoyants. Nous en voulons pour preuve les chiffres qui suivent, qui parlent d’eux-mêmes et présagent de funestes conséquences pour les personnes concernées. Chaque année, en septembre, l’AVH publie dans ses magazines « Le Louis Braille » et « Valentin Haüy Actualités » un rapport moral de l’année écoulée suivi de « Chiffres clés » que nous avons eu l’idée d’analyser sur la période 2012-2018. Ces chiffres sont éloquents, jugez-en par vous-même…
En 2012, l’AVH employait 698 salariés; fin 2018, 122 en moins. La part des travailleurs handicapés a chuté de 13,45%, passant de 275 à 238. Tous les services sont concernés, que ce soit le siège national à Paris 7e (-20,45% d’employés), les établissements médico-sociaux (-12,83%), et davantage encore les comités régionaux ou locaux avec prés d’un tiers de salariés en moins. Dans le même temps, l’association a « recruté » près de 10% de bénévoles en plus, ils étaient 3.564 fin 2018. On ne peut que constater qu’en six ans 122 postes de salariés ont été supprimés (près d’un sur cinq), 37 salariés aveugles ou malvoyants ont été rayés des effectifs, les établissements rattachés à l’association ont perdu 63 postes de salariés, le siège s’est vu amputer de 27 salariés (plus d’un sur cinq) soit 4,5 postes chaque année. Et parmi ces 27 emplois détruits, 12 étaient occupés par des travailleurs non ou malvoyants !
Que faut-il en conclure ?
En définitive, au cours des six années suivant la création de cette maudite Fondation broyeuse de l’association, la Direction de l’AVH aura détruit une bonne partie de ses ressources humaines en supprimant plus de vingt postes de salariés chaque année. Qui plus est, de la part d’une association qui se prétend « au service des aveugles et des malvoyants », il est paradoxal d’opérer la destruction de deux postes de travailleurs déficients visuels annuellement depuis 2013 ! La démission toute récente du Directeur des Ressources Humaines, Gilles Bequet, met encore plus en évidence un malaise profond quant à la gestion des ressources humaines.
Mais où s’arrêtera donc cette hécatombe ? Il est de plus en plus évident que la direction de l’AVH fait fi de son rôle social et privilégie la rentabilité financière que la Fondation Valentin Haüy lui impose. L’association est étranglée et meurt à petit feu en détruisant les services qu’elle rendait aux personnes aveugles et malvoyantes. Les tâches qui incombaient autrefois aux presque 700 salariés sont de fait réparties entre les 576 encore en place; il en résulte inévitablement, d’une part un service de moins bonne qualité, d’autre part la suppression pure et simple d’activités dont bénéficiaient les usagers. La seule résidence de vacances créée à l’intention des personnes déficientes visuelles a été unilatéralement fermée en septembre 2016 et ses salariés licenciés. La formation au braille, à la locomotion, à l’informatique s’en trouve de plus en plus dégradée. Les services du siège sont saturés et les personnels oppressés. L’imprimerie braille, fleuron de l’AVH historique, est menacée de suppression. Le catalogue du Service du Matériel Spécialisé ne comporte plus que 424 références, contre près de 700 il y a dix ans. Quant aux activités de loisirs, soit elles sont supprimées en partie ou en totalité, soit elles sont facturées au prix fort. Pour ce qui est des services ne rapportant pas un kopek, tels le Musée Valentin Haüy (créé en 1886) et la Bibliothèque Patrimoniale, ils fonctionnent en roue libre depuis le départ en retraite de ses personnels.
La gestion du patrimoine immobilier démontre elle aussi l’improvisation : depuis l’interdiction formulée par la commission de sécurité d’utiliser l’auditorium du siège parisien, aucun chantier n’a été engagé pour mettre ce local en conformité avec le règlement de sécurité des personnes. Le projet étudié sous la houlette d’un directeur général des services incompétent en la matière a été refusé. Cela coûte cher à l’AVH qui, d’une part, doit louer une salle à l’extérieur pour ses Assemblées Générales et, d’autre part, ne peut plus louer l’auditorium à d’autres entités.
En dehors des objectifs de rentabilité financière, la Direction de l’AVH est incapable d’élaborer un plan digne de ce nom. Il est significatif que le nombre de bénévoles augmente et la Direction fait tout ce qui est en son pouvoir pour leur confier, de même que bien souvent à des salariés recrutés dans le cadre du mécénat de compétence [mise à dispositions gratuite d’employés de sociétés extérieures NDLR], des tâches qui ont traditionnellement été occupées par des salariés formés.
Après le refus du Plan de Sauvegarde de l’Emploi par la direction du Travail [lire l’actualité du 7 avril 2018], la direction de l’AVH fait profil bas en évitant de faire des vagues pour que l’on parle d’elle – sauf pour se glorifier dans les médias de ses 130 ans d’existence. L’association évite donc de licencier mais ne remplace plus les départs en retraite et exerce des pressions pour que les salariés en place signent des « ruptures conventionnelles ». Désormais, elle agit incognito et poursuit son oeuvre destructrice à petit feu.
Collectif de Défense des Intérêts des Usagers de l’AVH, septembre 2019.