« Talleyrand était toujours en état de trahison, mais c’était de complicité avec la fortune. Sa circonspection était extrême; se conduisant avec ses amis comme s’ils devaient être ses ennemis, avec ses ennemis comme s’ils pouvaient devenir ses amis » – Napoléon Bonaparte.
Né à Paris en 1754, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord est issu d’une famille de la haute aristocratie qui prétend descendre d’un vassal d’Hugues Capet. Ses parents occupent des charges importantes à la Cour de Louis XV. Victime d’une maladie génétique, le syndrome de Marfan, (et non d’une chute accidentelle comme le veut une légende véhiculée par Talleyrand lui- même), il est pied- bot et donc contraint par ses parents, dans sa jeunesse, de renoncer à son droit d’aînesse en faveur de son frère. La carrière des armes lui étant interdite, il est donc voué à la voie ecclésiastique : « On me force à être ecclésiastique, on s’en repentira! » Grâce à son oncle, coadjuteur de l’archevêque de Reims, il obtient en bénéfice l’abbaye de Saint- Denis. Le jeune abbé vit surtout à la Cour où il se fait remarquer par son esprit… et par les sommes considérables qu’il dépense au jeu. En 1780, il est pourtant agent général du clergé; en 1786, il entre dans la franc-maçonnerie. Deux ans plus tard, il est appelé à l’évêché d’Autun.
En avril 1789, il est élu député du clergé aux États Généraux. Il se range du côté des patriotes, est désigné pour le Comité de constitution et dépose, en novembre 1789, la proposition de confiscation des biens du clergé. En 1790, il prête serment à la Constitution civile du clergé et sacre les nouveaux évêques. Le 14 juillet de la même année, il célébre la messe sur l’autel de la patrie, à l’occasion de la Fête de la Fédération : « Je vous en prie, ne me faites pas rire », aurait- il déclaré aux personnes qui l’entouraient !
Il se réfugie en Angleterre pour échapper à l’arrestation que n’aurait pas manqué d’entraîner la découverte des documents secrets de l’armoire de fer de Louis XVI. Expulsé de Londres, il se réfugie ensuite aux États- Unis, où il reste deux ans. Il reste en liaison avec Madame de Staël, et c’est par son entremise qu’il est recommandé auprès de Barras pour le portefeuille de ministre des Relations Extérieures. Il appuie le projet d’expédition en Égypte puis, prévoyant la fin du Directoire, donne sa démission en 1798 et prépare l’avènement de Bonaparte.
Après le coup d’État, il reprend le portefeuille des Affaires étrangères et préside à la signature des Traités de Lunéville et d’Amiens. Il est comblé de faveurs par l’Empereur qui le fait chambellan en 1804, et prince de Bénévent en 1806.
Mais Talleyrand souhaite ménager l’Autriche; Napoléon y est hostile: peu à peu les deux hommes s’opposent. Son rôle dans la politique espagnole a été très discuté: « C’est lui qui a poussé à la guerre d’Espagne, bien que dans le public il eût l’art de s’y montrer contraire », dira Napoléon plus tard. La vengeance de l’Empereur fut de choisir comme résidence forcée des princes d’Espagne le château que Talleyrand avait acheté en 1803.
Napoléon emmene son ministre à Erfurt en 1808, où Talleyrand trahit délibérément son maître en révélant au tsar la faiblesse de la position française. Les archives de Vienne ont montré également que Talleyrand avait touché de l’argent de l’Autriche. Il poursuit ses intrigues de retour à Paris. En janvier 1809, il perd sa charge de grand chambellan et devient l’adversaire irréconciliable de Napoléon. Appelé au Conseil de régence en 1814, il favorise le retour des Bourbons. Louis XVIII en fait également son ministre des Relations extérieures. Chargé de négocier le Traité de Paris, Talleyrand est ensuite envoyé au Congrès de Vienne. Il y déploie des qualités exceptionnelles de diplomate mais laisse se développer la poussée prussienne vers la rive gauche du Rhin. De cette poussée naîtront les guerres franco- allemandes du XIXe et du XXe siècle. Lors de la seconde Restauration, il forme avec Fouché un ministère qui est balayé peu après par la Chambre Ultra.
Écarté des affaires politiques, il entre en relation avec le duc d’Orléans. Devenu roi, Louis-Philippe l’envoie comme ambassadeur à Londres pour y réaliser l’Entente Cordiale. En 1834, Talleyrand se retire de la vie politique. Il meurt à Paris en 1838.
Jacques Vernes, janvier 2002.
Source : « Napoléon » (éditions Rencontre, Lausanne 1969). A consulter également, ce site web consacré à Talleyrand, et très bien documenté.