Apolinario Mabini voit le jour en juillet 1864 à Batangas (sud des Philippines, alors colonie espagnole) dans une famille pauvre. Son grand- père et sa mère se chargent de lui inculquer les premiers rudiments. Il entre ensuite à l’école Secondaire. Doué, il gagne un concours scolaire qui lui permet de poursuivre ses études à Manille où il exerce comme professeur de Latin pour pouvoir mener à bien un doctorat de Droit. Le désir de venir en aide aux pauvres lui fait abandonner l’idée d’entrer en religion. Il lui préfère la Franc- Maçonnerie (1892) et milite pour le Mouvement réformiste (nationaliste), ce qui lui vaut une première arrestation en 1896. La poliomyélite qui lui a coûté la marche en janvier lui vaut une simple assignation à résidence à l’Hôpital Saint- Jean- de- Dieu. A cette époque, les voix de nationalistes, dont la figure la plus emblématique est celle de José Rizal (1861- 1896), s’élèvent pour demander que les Philippins puissent jouer un rôle plus important dans leur propre pays.
La guerre américo-espagnole de 1898 accélère le cours de l’histoire : l’U.S Navy a décidé de surprendre en attaquant là où on ne l’attend pas : aux Philippines. Le 1er mai, après 2 heures de combat, la flotte espagnole du Pacifique est au fond de l’océan dans la rade de Manille. Les États- Unis peuvent désormais s’occuper de… Cuba, autre colonie espagnole et objectif premier du conflit. L’armistice du 12 août, puis le traité de Paris du 10 décembre 1898 consacrent la fin d’un empire et la naissance d’une super- puissance : Guam, Porto- Rico et les Philippines sont cédées aux U.S.A pour 20 millions de dollars. Si les Philippins accueillent les Américains comme des libérateurs, ils doivent bien vite déchanter quand la première république philippine proclamée le 12 juin 1898, avec Emilio Aguinaldo (1869- 1964) comme président, se confronte au gouvernement militaire établi par les vainqueurs. La supériorité des forces de ces derniers accompagnée d’une sanglante campagne contre la rébellion présagent déjà des conflits ultérieurs où s’embourberont les Américains. Il faudra deux ans et la mobilisation des deux tiers de l’armée des États- Unis pour « pacifier » les Philippines. Lesquelles devront attendre la fin de la 2e guerre mondiale et endurer 4 ans d’occupation japonaise avant d’accéder à une vraie indépendance le 4 juillet 1946 avec l’élection du 1er président de la République des Philippines, Manuel Roxas (1892- 1948).
Le handicap physique d’Apolinario Mabini l’empêche de prendre une part active à la première partie de la révolution mais il écrit, en 1898, un Manifeste aux leaders révolutionnaires les exhortant à préserver l’indépendance du pays. Le Président Aguinaldo, impressionné, le fait quérir (en palanquin selon la légende) afin de le nommer Premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères dès sa prise de pouvoir. A ses côtés, Apolinario Mabini mettra en place l’organisation territoriale et judiciaire des Philippines, établissant un certain nombre de législations importantes dans des domaines aussi divers que la Propriété, l’Assurance, la Police ou l’Armée. C’est également lui qui écrira la plupart des discours du président ainsi qu’un ouvrage patriotique populaire, « Le vrai décalogue ». Ces travaux lui valent les surnoms de « Cerveau de la Révolution » et « Sublime paralytique » (« La Chambre noire du Président » pour ses détracteurs). En 1899, le Congrès Révolutionnaire le place même à la tête de la Cour Suprême.
Le conflit intérieur américano-philippin lui vaut d’être de nouveau capturé et emprisonné, par les forces U.S cette fois, jusqu’en septembre 1900. Exilé à Nagtahan, il gagne sa vie en écrivant pour les journaux locaux. Un article violemment anti- américain lui vaut une déportation dans l’Île de Guam où il rédige son oeuvre maîtresse, La Révolution Philippine. Ayant accepté (à contre- coeur) de prêter allégeance aux États- Unis, il est autorisé à retourner aux Philippines en février 1902. On lui offre alors un poste gouvernemental qu’il refuse, préférant se retirer dans sa maison de Nagtahan. Il y meurt, du choléra, en mai 1903.
Jacques Vernes, janvier 2004.