Le premier tour du Luxembourg en fauteuil roulant s’est déroulé il y a vingt ans. « A l’époque, il y avait tout à faire, précise Silvio Sagramola, directeur d’Info Handicap. Il fallait faire passer le message de l’intégration, de l’inclusion, de l’accessibilité, de la participation à la société. Ce message était encore exotique ». Au fil des années, les bénévoles ont été moins nombreux à aider les participants malgré l’impact de la manifestation, l’opération s’est étiolée puis a disparu du calendrier. Elle est réapparue en 2003, à la faveur de l’Année Européenne des Personnes Handicapées. « Aujourd’hui, poursuit Silvio Sagramola, les droits sont reconnus mais leur mise en oeuvre pose problème : arguments financiers, architectes non formés, prise de décisions ». Le Luxembourg ne dispose pas d’école d’architecture et les architectes qui travaillent dans le Grand Duché ont été formés dans les pays voisins, en fonction des normes locales d’accessibilité lorsque cet enseignement figure dans le cursus. Des organisations luxembourgeoises réalisent auprès des architectes des actions de sensibilisation et de formation à la réglementation nationale en matière d’accessibilité. Info Handicap déplore l’absence de normes européennes dans ce domaine comme dans celui du transport : « Notre pays est traversé par une multitude de trains allemands, français, belges, hollandais, tous différents. Les hauteurs de wagons, les dimensions de portes varient ».
« Au Luxembourg, l’accessibilité est encore trop centrée sur les personnes en fauteuil roulant, estime Silvio Sagramola. Parfois, on pense aux déficients visuels, jamais aux handicapés auditifs ou mentaux. Dans certains pays d’Europe, le militantisme est plus intense; chez nous, il faut faire de gros efforts pour mobiliser les personnes handicapées, ce qui nous a conduit à relancer le Rollitour. Il accroît la visibilité des personnes handicapées, génère un dialogue avec la population. Le plus grand problème actuel est la chaîne de l’accessibilité. On pense aux bâtiments, aux commerces, aux sites culturels et de loisirs, mais cela demeure des actions isolées qui se heurtent à des transports peu accessibles et à une voirie qui ne l’est pas toujours. Des services, tel un bureau de poste, peuvent ne pas être accessibles; dans les entreprises, des bureaux sont accessibles mais pas la cafétéria. Nous voulons recentrer l’action sur les besoins de la personne au plan local, on pointe ce qui manque ».
La situation des transports urbains par autobus s’améliore avec la mise en oeuvre de la Directive Européenne, des compagnies interurbaines veulent également s’équiper en autocars accessibles bien que l’offre industrielle soit faible. Cela correspond à un marché important qui englobe les personnes âgées rencontrant des difficultés pour gravir des marches élevées. Les Chemins de Fer Luxembourgeois collaborent avec Info Handicap pour améliorer le transport des passagers handicapés moteurs, rendu difficile par la suppression du personnel dans les petites gares. Le voyageur devra se faire connaître 24 heures à l’avance pour qu’une rampe soit embarquée et que du personnel de bord supplémentaire puisse aider la personne et assurer un service de qualité. Adapté aux voyages planifiés, cette assistance ne permet pas de voyager « à l’impulsion », pour répondre à une invitation de dernière minute par exemple, et n’est pas adaptée pas aux aléas de la vie quotidienne.
Si une assurance dépendance favorise le maintien à domicile, trouver un logement adaptable est chose difficile. L’Etat estime le besoin de logement à 30.000 dans le pays, ce qui représente environ 3.000 unités pour les personnes handicapées. « On s’efforce de faire comprendre aux constructeurs la notion de logement adaptable, précise Silvio Sagramola. On explique aux personnes valides que leurs besoins vont changer au fil du temps, qu’ils devront peut- être faire agrandir une salle de bains, casser des cloisons, utiliser une aide à la marche. Les loueurs sociaux commencent à intégrer le logement adaptable dans leurs programmes ». Pour conclure ce panorama de la situation au Luxembourg, dont la population a le plus haut niveau de vie de l’ensemble de l’Union Européenne, Silvio Sagramola estime qu’il y a « une sensibilité visible et manifeste des citoyens vis à vis des personnes handicapées, soutenues moralement et financièrement. Mais cette vision globale reste à intégrer dans les réalisations ».
C’est pour cela qu’un nouveau Rollitour sera organisé en septembre 2005 !
Laurent Lejard, octobre 2004.