A la lecture d’un article du quotidien La Nouvelle République, publié le 14 mars dernier, Willy Besard a cru qu’il pourrait retrouver sa liberté de déplacement. Et il en a besoin tant il est actif, bien que sa myopathie le contraigne à se déplacer en fauteuil roulant motorisé. Agé de 40 ans, il anime Génétique Actions, association qui contribue au financement des travaux du docteur Louis Violet qui, à l’hôpital Necker (Paris) travaille sur la maladie de Werdnig-Hoffman, une amyotrophie spinale. « On reverse tout ce qu’on récolte, précise Willy Besard. Avec des bénévoles on organise des randonnées VTT, des diners dansants, des lotos. » L’association, créée à la suite d’un désaccord avec la présidente de l’Association Française contre les Myopathies, a directement versé à la recherche médicale 110.000€ depuis sa création en 2008.
Citoyen engagé, Willy Besard espérait, au terme des travaux de voirie dans sa ville, se déplacer enfin en autonomie, puisque le maire venait d’inaugurer l’accessibilité à la gare d’Azay-le-Rideau, bourg par ailleurs célèbre pour son château… inaccessible en fauteuil roulant. « Les travaux menés dans le premier lieu permettent désormais aux personnes à mobilité réduite d’accéder à la gare », écrivait le journaliste de La Nouvelle République. Willy, privé d’accès aux trains depuis l’automatisation de la gare SNCF et la suppression de tout personnel, pensait donc pouvoir entrer de plain-pied dans les autorails récents à plancher bas. Raté: les quais n’ont pas été rehaussés et la lacune est infranchissable sans rampe.
« Les travaux n’ont rien à voir avec l’accessibilité mais portent sur l’accès à la gare, justifie le vice-président du Conseil Régional chargé des transports, Jean-Michel Bodin. La Région a participé aux travaux au titre de l’aménagement d’un pôle d’échange. » Willy Besard, qui a saisi il y a déjà trois ans Jean-Michel Bodin au sujet de l’inaccessibilité des trains en gare d’Azay-le-Rideau, devra attendre longtemps encore une solution positive : le Conseil Régional du Centre élabore déjà des Agendas d’Accessibilité Programmée (Ad’Ap) qui vont lui permettre de retarder de six à neuf ans la réalisation du Schéma Directeur d’Accessibilité des transports adopté en décembre 2008. « Ça fait vingt ans qu’on se bat pour rendre la gare accessible, rappelle Willy Besard. Le chef de gare installait une rampe pour accéder aux trains, mais depuis que la gare est automatisée, il n’y a plus de personnel et plus d’accès au train. »
Si la halte ferroviaire d’Azay-le-Rideau figure bien dans la liste des gares à adapter, elle ne le sera finalement pas: la Région a décidé de ne financer qu’à 30% les 93 millions d’euros de travaux d’accessibilité qui sont pourtant de sa compétence en tant qu’Autorité Organisatrice de Transport. Réseau Ferré de France (propriétaire des quais de gare) n’assurant que 25% en complément, il manque 45% que Jean-Michel Bodin demande à l’État de couvrir. Mais comme l’État n’en fera rien, une fois le délai des Ad’Ap écoulé les gares régionales du Centre, à l’exception de cinq d’entre elles, ne permettront pas aux voyageurs en fauteuil roulant de monter à bord des trains. D’ici là, les élus régionaux auront changé et la comédie sera jouée par d’autres…
Mais pour ne pas être totalement hors la loi et sanctionnable par la justice, la Région prépare le lancement progressif d’un transport de remplacement, Accès TER : le voyageur devra réserver un « taxi » gratuit 48 heures à l’avance pour être conduit de la gare inaccessible à la plus proche accessible de laquelle il prendra le train vers sa destination finale. La convention entre la SNCF et la Région Centre est en phase de signature pour une mise en oeuvre étalée de juillet 2014 à juillet 2015. Pour Willy Besard, cela reviendra à aller jusqu’à la gare d’Azay-le-Rideau afin de prendre ce « taxi » qui le conduira à Joué-lès-Tours pour monter dans le train de Tours. Soit vingt kilomètres en voiture pour six kilomètres de train: une aberration.
Willy Besard ne trouvera pas davantage son salut dans les liaisons par autocar effectuées à certaines heures de la journée : les arrêts d’Azay-le-Rideau ne sont pas adaptés, n’offrant pas le dégagement nécessaire à l’accès à bord alors que les véhicules sont équipés d’un élévateur ! « On dialogue avec les collectivités locales, précise Jean-Michel Bodin. Sur Azay, la situation n’a pas bougé. » Là encore, la Région ne finance que très partiellement ce qui est de sa compétence exclusive, au mépris de la loi.
Laurent Lejard, avril 2014.