Originaire de Belgique, Stéphanie Binon est née dans « l’une des plus laides villes d’Europe », Charleroi. Elle est devenue tétraplégique à l’âge de 14 ans en 1989, à la suite d’un accident de gymnastique olympique alors qu’elle était en sport-études, et a dû se réorienter et suivre des études de sciences économiques qui ne lui plaisaient pas, jusqu’au baccalauréat. Puis elle a poursuivi des études supérieures en communication. C’est d’ailleurs en effectuant un stage qu’elle a rencontré son mari, journaliste sportif. Ils se sont expatriés depuis plus de sept ans dans le Languedoc, à Mèze (Hérault), après l’échec d’une création d’entreprise : « Avec mon mari, on s’est dit que c’était le moment de changer de vie. J’ai toujours eu le désir de m’installer dans le sud de la France, puisque j’ai fait ma rééducation à Cerbère [centre de rééducation fonctionnelle des Pyrénées-Orientales situé en bord de mer et fermé depuis 2016 NDLR]. On s’est lancés, mon mari a trouvé assez rapidement du travail. On a décidé en janvier, on est partis en mai ! »
Après des études à Bruxelles, elle s’était installée avec son mari dans le Brabant Wallon, près de Louvain-la-Neuve, la grande banlieue chic de la capitale belge. « Quand j’ai quitté la Belgique, je n’avais plus de boulot, je me suis demandé ce que j’allais faire. » Elle travaillait alors à la formation et la sensibilisation au handicap de personnels municipaux et des élus. « J’ai une petite fille qui a maintenant huit ans et demi, mais j’avais besoin de trouver autre chose à faire que de m’occuper tout le temps de mon enfant. Je suis quelqu’un qui écrit beaucoup et lit énormément depuis l’enfance, l’écriture la lecture font partie de ma vie depuis toujours. Ce que j’avais à ma disposition, c’était mon ordinateur, une connexion Internet et ce que je savais faire le mieux, écrire et raconter des histoires. Et si c’était pour raconter des histoires, autant que ce soient les miennes, d’une façon qui me ressemble, décalée, détournée, et surtout un maximum d’humour. »
Des histoires qu’elle raconte sur Handinary Stories, blog dans lequel elle relate des aventures de tous les jours, qui peuvent arriver à tout le monde. « Sauf que quand ça m’arrive à moi, c’est un tout petit peu différent, un peu plus compliqué, ou un peu plus drôle. Sur le coup, peut-être pas, ça peut être pénible, comment je vais m’en sortir ? Le truc, c’est de pouvoir se dire quelques jours après qu’il n’y avait rien de grave et d’en faire une histoire drôle. Ce sont des histoires de voyages, ou par exemple quand j’arrive à l’école et qu’il y a deux places de parking handicapés, je vais transformer ça en compétition. Je reprends dans le spectacle pas mal de choses que j’ai vécues, prendre une douche et tomber, pour nous ça se transforme en parcours du combattant et je deviens GI Steph : il va falloir que je trouve une solution, en plus j’ai installé du carrelage antidérapant, je vais y laisser des morceaux de peau ! »
Il a fallu également qu’elle se fasse à la vie méridionale. « Les rapports aux autres sont plus simples et spontanés dans le nord, ils s’inscrivent dans la durée. Quant on rencontre quelqu’un avec qui on s’entend bien et qu’on se dit ‘on s’appelle’, on s’appelle vraiment ! Dans le sud, on se rappelle jamais ! C’est la plus grosse différence, il est extrêmement difficile ici d’avoir une relation dans la durée et sincèrement profonde. »
Le blog et des cours de théâtre ont incité Stéphanie Binon à mettre en scène ces histoires. « On a commencé à travailler il y a quelques mois déjà. Je fais du théâtre depuis trois ans, en faisant partie d’une troupe dont le dernier spectacle a eu lieu en juin 2018. Je me suis rendue compte que j’avais eu un rôle un peu extérieur par rapport aux autres, j’étais plus ou moins narrateur, un contact avec le public plus important, en le faisant réagir. J’ai constaté que ça me plaisait, et l’idée d’un spectacle toute seule a germé à ce moment-là. J’en ai parlé avec la prof de théâtre qui est également metteur en scène et coach, je lui ai proposé de monter un spectacle avec elle pour raconter mes histoires et des histoires de femmes de manière plus générale. On a décidé de créer un one woman sit-up show qu’on pense créer dans le courant du mois de mai 2019. »
Stéphanie est actuellement en recherche de salles dans le Languedoc mais pas seulement, elle voit les choses en grand et envisage également de se produire en Belgique où elle a conservé des relations. Et espère enfin vivre son rêve de gosse : monter sur scène.
Laurent Lejard, décembre 2018.