« L’accès aux transports, aux lieux ouverts au public, ainsi qu’à ceux permettant une activité professionnelle, formatrice ou éducative est autorisé aux chiens guides d’aveugle ou d’assistance accompagnant les personnes titulaires de la carte ‘mobilité inclusion’ portant les mentions ‘invalidité’ et ‘priorité ». La loi est claire et nette depuis 1987, ces chiens entrent partout sans condition. Pourtant, la rectrice de l’Académie de Versailles a signifié à des parents dans un courrier daté du 22 novembre 2018 que la chienne d’assistance de leur fils Romain ne serait pas accepté au collège : « En effet, au regard de la jurisprudence qu’a rappelée Madame la Défenseure des enfants dans son courrier du 6 juin 2018 et en l’absence de mention de la nécessité d’un accompagnement par un chien d’assistance sur le temps scolaire tant sur le Projet Personnalisé de Scolarisation que sur la notification [de la CDAPH], nous regrettons de ne pouvoir autoriser la présence d’un animal dans l’enceinte du collège ». Une jurisprudence inconnue de ladite Défenseure des enfants, comme l’explique sa porte-parole : « La situation que vous évoquez n’a pas donné lieu à une décision publique du Défenseur des droits. En conséquence, je ne peux vous communiquer la moindre information sur ce dossier pour des raisons de confidentialité, bien que vous ayez déjà en votre possession un courrier de l’Académie de Versailles. » Il y a donc eu des échanges sur ce sujet mais ils n’ont pas été communiqués aux parents… Comme l’Inspectrice en charge des élèves handicapés, l’IEN-ASH Laurence Picard, s’est mise aux abonnés absents, ce sont des arguments confidentiels qui ont été opposés à Romain et ses parents !
Entre-temps, heureusement, la situation de Romain semble finalement réglée : la Commission des Droits et de l’Autonomie de la Personne Handicapée de la Maison Départementale des Personnes Handicapées des Yvelines a inscrit le 7 mai dernier la chienne d’assistance dans le PPS. Il était intéressant de savoir comment elle s’y est prise pour prendre une décision sans fondement légal mais le directeur de la MDPH a refusé de l’expliquer… De son côté, l’association Handi’Chiens qui élève, éduque et remet des chiens d’assistance à des jeunes handicapés moteurs a connaissance d’autres refus d’admission dans des établissements scolaires. « Romain n’est pas seul à subir un refus, on a découvert la position du ministre Blanquer avec son cas, commente son co-fondateur, Jean-Luc Vuillemenot. Le député Loïc Dombreval a posé la question au ministre de l’Éducation nationale à la demande d’Handi’Chiens. » Ce député La République en Marche des Alpes-Maritimes avait attiré son attention sur « des défauts d’application de la réglementation applicable à l’accueil de chiens guides et d’assistance en général dans certains établissements, et sur l’ignorance des recommandations et prescriptions contenues dans l’instruction ministérielle du 25 mars 2015 relative à l’amélioration de la prise en compte de l’animal pour faciliter l’insertion sociale des personnes handicapées accompagnées d’un chien guide ou d’assistance, en particulier. » Ce texte rappelait les aptitudes des animaux d’assistance, le sérieux de leur formation et présentait des pistes d’amélioration de la prise en compte de l’animal, telle sa garde pendant des soins ou une activité sportive, ou une intervention des services d’urgence. A aucun moment des dispositions spécifiques quant à l’accès aux établissements scolaires ne sont évoquées. Ce sujet avait d’ailleurs été traité par un Inspecteur de l’Éducation Nationale chargé de l’adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés : il avait remis en mars 2012 une note (à télécharger ici) destinée à la cellule Aide Handicap Ecole qui dépend de la Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) à l’époque dirigée par… Jean-Michel Blanquer. « Le refus par le Proviseur d’un établissement n’est pas envisageable, écrivait cet inspecteur dans sa note anonymisée. Ne pouvant dire non, il est illusoire d’attendre un feu vert du rectorat. » 7 ans après, le Dgesco devenu ministre a effectué un virage à 180° dans sa réponse du 8 janvier 2019 : les chiens guides ou d’assistance ne sont admis que sur prescription de la MDPH.
Ce que confirme la Cellule Aide Handicap Ecole : « L’accès d’un chien d’assistance dans un établissement scolaire relève des dispositions suivantes : En application du 5° de l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles, l’aide animalière constitue un élément de compensation. Par conséquent, elle doit figurer dans le plan de compensation de la personne, et seul peut être qualifié de chien d’assistance celui qui a été formé dans un centre agréé conformément aux articles D. 245-24 à D. 245-24-3 du code de l’action sociale et des familles. Par conséquent, seuls peuvent être admis dans les locaux scolaires les chiens d’assistance formés dans des centrés agréés, accompagnant un élève titulaire d’une carte d’invalidité ou de priorité et répondant à un besoin de compensation constaté par une décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. » La nouvelle doctrine de l’Education nationale considère qu’un chien d’assistance n’a d’existence que si son maitre perçoit la Prestation de Compensation du Handicap « aide animalière » plafonnée à 50€ mensuels. C’est en biaisant que cette administration a trouvé le moyen de compliquer la vie de quelques centaines de familles, alors que le Gouvernement martèle qu’il veut simplifier les formalités des personnes handicapées…
Confirmation également du cabinet de la secrétaire d’État aux personnes handicapées, Sophie Cluzel : « Pour être admis dans un lieu scolaire, le chien d’assistance doit figurer dans le PPC/PPS, avoir été formé dans un centre agréé, accompagner un élève titulaire d’une carte d’invalidité. Le chef d’établissement ou le directeur d’école est habilité à vérifier que ces conditions sont remplies. Lorsque toutes les conditions ci-dessus sont remplies, on ne peut refuser l’accès à l’école à un chien d’assistance, sauf si la décision de la CDAPH prévoit explicitement une limitation. » Si les obligations d’agrément des centres de formation des chiens guides ou d’assistance et de possession de la CMI pour leurs maitres figurent dans la législation, l’inscription dans le PPC ou le PPS par la Commission des Droits et de l’Autonomie de la Personne Handicapée est dépourvue de toute base légale. Cela ne gène pas le moins du monde le secrétariat d’État aux personnes handicapées qui va jusqu’à considérer que la CDAPH peut limiter l’usage d’un chien guide et d’assistance. Deux ministres piétinent donc en toute connaissance de cause la liberté de circulation des chiens guides ou d’assistance : qui leur infligera les contraventions à 450€ qu’ils méritent ?
Laurent Lejard, mai 2019.