« Quand on devient paraplégique, il faut du temps pour comprendre et accepter qu’on ne marchera plus. Écouter, expliquer, comprendre. Le regard des autres est parfois pesant. Quand on sort, on est livré à soi-même, on se retrouve face aux réalités et une nouvelle vie. » C’est ce constat qui a conduit cette quadragénaire orléanaise à créer une association d’aide au quotidien, Handy-Dreams. « L’association veut aider, notamment pour réapprendre la conduite automobile et aménager des véhicules, adapter le logement pour les locataires qui sont moins aidés que les propriétaires. On voudrait apporter des financements en plus de celui la Maison Départementale des Personnes Handicapées et d’autres organismes. »
Cette envie et ce besoin d’agir, elle les puise dans sa propre expérience de femme devenue brutalement paraplégique il y a 7 ans et la rééducation qui a suivi. Elle y a rencontré d’autres victimes d’accidents ou de maladies, confrontées aux mêmes problèmes, dont quelques-unes n’ont pas accepté leur « nouveau » corps et renoncé à vivre. Des rencontres qui lui ont toutefois montré l’importance de la pair-émulation : « Entre nous, on parle mieux qu’avec les soignants des difficultés et des espoirs. » Une expérience qui a fondé l’orientation qu’a prise sa deuxième vie.
Parce que son accident n’a pas été indemnisé, l’obligeant à se débrouiller avec les 3 enfants de son ancienne vie. « J’ai rencontré beaucoup de difficultés, par exemple pour adapter une voiture. L’autonomie passe par la liberté et pour moi, c’est la voiture. Au début il fallait que je sois accompagnée, j’ai pu retrouver cette liberté par la voiture. » Elle n’a d’ailleurs pas le choix puisqu’elle habite à une trentaine de kilomètres à l’ouest d’Orléans, dans cette ruralité dépourvue de transports. Et même quand elle résidait dans la capitale loirétaine, le service de transport adapté AccessTAO s’est avéré… inadapté : « Je l’ai utilisé pour aller travailler mais mes horaires ne leur convenaient pas ! J’ai travaillé pour Harmonie Mutuelle, comme conseillère clientèle assistance pendant plus de 4 ans. Avant mon accident, j’ai exercé dans le paramédical pendant 13 ans, comme agent de service hospitalier qualifié. »
Depuis qu’elle s’est lancée dans l’associatif, et du fait de son éloignement d’Orléans, Nadia a arrêté le travail salarié. « J’avais mis l’association de côté mais le besoin d’aider me tenait à coeur. J’ai aussi créé une marque de vêtements universels pour femmes afin d’avoir un revenu, NJ Style, pour des personnes de morphologies différentes. » En attendant d’élaborer une collection adaptée, c’est une sélection opérée parmi les vêtements du commerce de gros qu’elle a présentée récemment lors d’un événement organisé pour le lancement d’Handy-Dreams : « J’ai eu beaucoup de demandes. Au début, j’avais cherché les vêtements qui conviennent le mieux à ma paraplégie haute, et discuté avec des stylistes. Il n’existe pas de vêtements vraiment adaptés, j’aimerais les créer. Mon but est d’avoir ma propre collection. » Actuellement, c’est sur Instagram qu’elle diffuse sa sélection, en prélude à l’ouverture d’un site de vente.
Nadia Galland a également le goût du voyage, dont le plus récent lui a permis d’évaluer l’accessibilité d’une maison d’hôtes de la ville balnéaire très touristique d’Antalya, en Turquie. « Je voyage beaucoup. Quand je suis allé à Dubaï, j’avais une chambre PMR mal adaptée, des amis m’ont portée. J’ai fait des posts sur les voyages et on m’a posé des questions. Un jour, on m’a demandé d’accompagner des touristes, j’ai fait des demandes partenariat, dont Handicap Vacances à Antalya, en constatant que les normes turques sont différentes, telle la hauteur des cuvettes de WC ; l’hôtelier a installé un rehausseur. Je suis même tombée d’une chaise percée à accoudoirs fixes, en effectuant le transfert dans la douche mon fauteuil a glissé ; l’hôtelier va acheter un fauteuil de douche. En voyage, on doit toujours être accompagné et demander de l’aide. »
Parmi les moments heureux de sa vie, son récent second mariage est l’une de ses plus grandes fiertés : elle a ouvert le bal debout dans les bras de son mari grâce à un verticalisateur sur roulettes qu’il a fabriqué et va breveter. « Il ne se voyait pas à travers la robe. J’ai tenu debout pendant le slow, la pièce montée, les photos avec mes enfants. Des futurs mariés m’ont contacté [La Nouvelle République a couvert son mariage NDLR], d’autres ont mis en doute sur les réseaux sociaux que je sois paraplégique ! » Stupidité qu’elle préfère ignorer pour vivre pleinement sa seconde vie…
Laurent Lejard, octobre 2022.