Il fait nuit, un jeune homme s'est introduit dans un appartement pour voler ce qu'il trouve à tâtons. Il bute sur un obstacle, c'est une jeune femme étendue au pied de son fauteuil roulant et d'une boite de somnifères. Il la réveille, et elle va lui proposer un défi : vivre en fauteuil, comme elle, pendant 10 jours ...
Le personnage de Laura exposé dans Un fauteuil pour deux, pièce de théâtre publiée chez Ex Aequo, Ange Lise l’a créé à partir de la vie de l’une de ses amies, Nabéla. « Cette pièce, je ne l’ai pas vécue comme un travail d’écriture ou de création de personnages, elle est vraiment une évidence. Il faut être honnête, en général on s’intéresse à la thématique du handicap, soit parce qu’on est directement concerné, soit parce qu’on a un proche qui le vit. Nabéla est une amie qui a eu un grave accident de voiture il y a quelques années, et j’ai vu son état se détériorer au fil du temps. Aujourd’hui elle ne va pas très bien parce qu’elle vit en fauteuil électrique dans un logement qui n’est pas adapté à ses besoins. » Un sujet d’actualité dont Ange Lise s’est inspiré, Nabéla la familiarisant avec le langage du handicap, les normes, l’accessibilité.
« Au fil de de nos échanges, j’ai essayé de l’accompagner et de la soutenir. C’est quelqu’un qui a une force de caractère incroyable, mais ça n’empêche pas les vagues de désespoir. Le contrat implicite entre nous a été de toujours essayer de prendre les choses avec humour ; en général, nos conversations commencent par une crise de larmes et finissent par une crise de rire. Et j’ai décidé d’écrire et lui dédier une pièce. Le personnage de Laura s’inspire effectivement de nos échanges, même si la pièce ne raconte pas sa vie mais les écueils qu’elle a pu rencontrer au quotidien. Ensuite, j’ai effectué un travail de superposition en me projetant : si demain je devenais handicapée, qu’est-ce qui se passerait ? Je me suis posée toutes les situations que peut rencontrer une personne handicapée au quotidien, comme le simple fait d’aller chercher sa baguette de pain à la boulangerie : « Ah oui, très bien, il n’y a pas de marche. » Mais je serais obligée de déménager puisque mon appartement n’est pas accessible. Et on sait à quel point c’est compliqué d’avoir un logement adaptable aujourd’hui. »
« Pendant l’écriture, je me suis fixé trois enjeux. Le premier, ne pas tomber dans le pathos, ce qui vient facilement sur cette thématique. J’ai alors employé l’ironie comme une mise à distance, pour que la pièce soit une comédie. Le deuxième enjeu, je voulais que les lecteurs oublient progressivement le handicap de Laura, ce qui est paradoxal puisque qu’il est dans le titre de la pièce. En même temps, je voulais faire passer au premier plan le fait que c’est avant tout une rencontre et une histoire d’amour. Ce qui m’a fait très plaisir quand j’ai lu la pièce à Nabéla, ce qu’elle a retenu c’est l’histoire d’amour, j’ai touché mon but. Le troisième enjeu, c’était que je voulais que le lecteur se projette et se dise « mais qu’est-ce qu’il se passerait si effectivement du jour au lendemain je devenais handicapé ? » C’est là où la fiction rejoint la réalité. »
Éditée, la pièce Un fauteuil pour deux attend sa première mise sur scène. « Elle est disponible pour les compagnies, sauf que j’ai une seule exigence : la comédienne jouant Laura doit être handicapée. Pour moi, ça paraît assez évident. L’idée c’est de travailler sur un projet avec une agence de sensibilisation au handicap pour reprendre sur le terrain le sujet de la pièce. On parle beaucoup du handicap en ce moment, mais ce qui m’intéresse, c’est de réaliser des actions concrètes. »
Propos recueillis par Laurent Lejard, mai 2023.
Un fauteuil pour deux, comédie en pied, par Ange Lise, éditions Ex Aequo, 10€.