Entrée en 2018, du fait d’un accident, dans la grande famille des paraplégiques, Caroline Fruchaud, 31 ans, a essuyé les plâtres de la première émission hebdomadaire de Sud Radio sur le handicap Faut que ça change !, présentée par l’entrepreneur aveugle Anthony Martins-Misse et diffusée samedi 23 novembre à 20h30. « Je le connais, du coup il m’a proposé d’être chroniqueuse pour l’émission. Globalement, j’expose ma vision des choses sur les sujets, pour essayer d’obtenir des réponses aux différentes questions que je pourrais poser avec le regard d’une personne réellement concernée. » Au terme de sa première expérience en radio (par ailleurs non rémunérée), comment s’est passé l’échange avec la ministre chargée des Personnes handicapées, Charlotte Parmentier-Lecocq, première invitée de l’émission ? « Très bien. La veille il y avait eu le Duoday [l’émission a été enregistrée le lendemain vendredi 22 novembre NDLR], j’étais allée à l’Assemblée Nationale où j’ai rencontré le ministre des Solidarités, Paul Christophe, on a parlé vingt minutes, c’est beaucoup dans l’emploi du temps d’un ministre. C’était chouette de rencontrer Charlotte Parmentier-Lecocq, ça s’est bien passé mais c’était très court. On a parlé de plein de sujets différents, on n’a pas pu approfondir tous les sujets, c’est un côté un peu frustrant, mais c’est le format de l’émission. Quand on a une ministre, on veut avoir son avis sur beaucoup de sujets, ce sera moins le cas dans les autres émissions. »
Ce premier Faut que ça change ! du 23 novembre a permis à la ministre d’annoncer l’arbitrage gouvernemental sur le dossier étiré en longueur du remboursement intégral des fauteuils roulants annoncé le 26 avril 2023 par le Président de la République lors de la Conférence Nationale du Handicap, freiné depuis par la Direction de la Sécurité Sociale (lire l’actualité du 3 juillet 2024) ; celle-ci voulait imposer un prix de limite de vente réduisant considérablement le nombre de matériels pris en charge. Interrogée par Caroline Fruchaud, la ministre a exposé sa position : « Mon objectif est qu’on atterrisse sur le scénario qui définira les modalités de remboursement avant la fin de l’année, pour qu’on puisse, à partir de la fin de l’année 2025, j’espère plutôt septembre 2025, mettre en oeuvre ces modalités. Je souhaite que ce soit un remboursement intégral comme ça a été promis, et que ça permette de garantir qu’on a bien le fauteuil adapté, les options adaptées et le niveau de qualité dont a besoin la personne, sans plafonnement. » Une position inverse de celle qu’elle avait exposée quelques jours auparavant au député paraplégique Sébastien Peytavie, défenseur d’une proposition de loi (PPL) instituant ce remboursement intégral des fauteuils roulants : Charlotte Parmentier-Lecocq et son ministre de tutelle Paul Christophe préparaient un décret sur les prix limites de vente au-delà desquels les fauteuils ne seraient pas du tout remboursés, 3.000€ pour un manuel classique, 6.300€ pour un actif manuel et 23.000€ pour un électrique, options incluses. Un décret destiné à court-circuiter la PPL dont l’examen était inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée pour le mardi 3 décembre, journée internationale des Personnes handicapées. Les ministres savaient que cette PPL trans-partisane serait adoptée, elle l’a d’ailleurs été à l’unanimité le 26 novembre en commission des Affaires sociales.
Étonnamment, ni Anthony Martins-Misse ni Caroline Fruchaud n’ont compris que l’Histoire s’écrivait dans leur émission, comme elle l’explique en interview : « Ils doivent se réunir cette semaine il me semble, ou la semaine prochaine à l’hémicycle pour voter, voilà, les différentes lois, etc., et puis qu’après ça soit mis en application seulement l’année prochaine en septembre 2025, on n’est pas vraiment satisfaits parce que c’est long. » Caroline Fruchaud mélange allègrement le vote probable d’une proposition de loi par les députés et le projet gouvernemental de réglementer la vente des fauteuils roulants, deux approches d’un même sujet mais avec des acteurs, un processus et un résultat différents. « Je n’ai pas plus d’explications que ce que vous avez pu entendre à la radio », justifie-t-elle. C’est bien dommage pour les auditeurs de Sud Radio…
Laurent Lejard, décembre 2024.