Le nouveau code de procédure civile n’est pas explicite en stipulant dans son article 23 le juge « n’est pas tenu de recourir à un interprète lorsqu’il connaît la langue dans laquelle s’expriment les parties ». Un sourd français est censé s’exprimer en français, sauf qu’il ne parle pas : comment peut-il faire valoir ses droits, mystère ! En matière délictuelle, des dispositions précises sont prévues par le code de procédure pénale : une personne atteinte de surdité et qui ne sait ni lire ni écrire « doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec des sourds » (art 63-1, 345, 408). Une disposition similaire prévaut lors de l’audition d’un témoin (art 102) ou d’un suspect (art 121) sourd. Bref, s’il commet un vol, un sourd sera traité à peu près équitablement par les tribunaux alors que rien n’est prévu pour qu’il se fasse comprendre dans le cadre d’une procédure de divorce ou d’un litige de voisinage. Il devra s’en remettre entièrement à un avocat, s’il arrive à communiquer avec lui. Pour remédier à ce véritable abandon, diverses initiatives en faveur de l’accès au droit ont été mises en place par des associations, comme à Lille ou à Marseille, ou par la Ville de Paris.

Plate-forme à Paris. La Capitale semble être la seule ville de France à avoir créé un service d’information des sourds sur leurs droits. Ouvert depuis le 28 juin 2002 au sein de la Mairie du IXe arrondissement, il accueille et renseigne, sur rendez- vous préalable, dans tous les domaines du droit. Une étude portant sur un échantillon de 165 personnes reçues montre que plus de 62% des consultants sont âgés de 18 à 40 ans et qu’ils relèvent essentiellement de la communauté sourde, « se reconnaissant dans une identité sourde et fréquentant des lieux mis spécifiquement à sa disposition ». Si près de 60% des consultants sont français, 31% sont étrangers, venus en France « afin d’acquérir un langage et de rencontrer d’autres personnes maîtrisant la Langue des Signes [et] consultent afin de régulariser leur situation au vu de la législation des étrangers ». 80% pratiquent la langue des signes. Les entretiens durent en moyenne une quarantaine de minutes et portent sur l’explication de la loi ou du fonctionnement judiciaire, la traduction de documents juridiques ou administratifs, des contacts téléphoniques (avocats, tribunaux, administrations…), la rédaction d’une demande d’aide juridictionnelle, etc.

Le service, qui assure un suivi des dossiers, peut également mener une action de médiation, auprès d’un employeur ou d’un avocat par exemple. Pour autant, la pédagogie n’est pas oubliée, en donnant aux sourds les informations nécessaires à la connaissance de leurs droits et en informant les tribunaux des droits des sourds en matière d’interprétariat en langue des signes. Permanence juridique pour les sourds et les malentendants : Mairie du IXe arrondissement, 6 rue Drouot 75009 Paris. Métro : Richelieu- Drouot. Reçoit sans rendez- vous le jeudi de 14h à 19h30, et sur rendez- vous les mardi, mercredi et vendredi de 9h à 17h. Tél : 01 42 46 72 09, Fax : 01 42 47 09 61, Sms : 06 75 69 82 03, Mél : droit.sourds@mairie-paris.fr.

Juris’sourd à Lille. Cette association a récemment fait un coup médiatique en organisant un procès (lire Actualités au 22 novembre 2002) dont les professionnels du droit et le plaignant étaient sourds signeurs, et l’accusé entendant! Juris’sourd et l’Ordre des avocats proposent depuis mars 2001 une permanence mensuelle de consultations juridiques gratuites réunissant un avocat et un interprète agréé par la Cour d’Appel de Douai. Il s’agit ici d’informer les personnes sur leurs droits dans le cadre d’un litige par exemple, sans aller au- delà. C’est ensuite un avocat qui prendra éventuellement en charge la demande du consultant. A cette différence que depuis novembre 2001, l’Ordre des avocats au barreau de Lille s’est engagé à prendre en charge les frais d’interprète, qui coûtent 35 euros de l’heure (le département du Nord comporte deux interprètes assermentés sur les 120 que comptent la France). Quand à l’association Juris’sourd, elle conduit actuellement un travail de traduction des termes juridiques en LSF. Permanences juridiques à destination des sourds et malentendants chaque premier mercredi du mois de 9h à midi : Maison de l’avocat, 8 rue d’Angleterre 59000 Lille. Tél: 03 20 55 73 45, Fax: 03 20 51 18 51. Juris’sourd: 114 bis rue des Postes 59000 Lille. Mél: cdecaillon@free.fr.

CIL à Marseille. La Citée Phocéenne fait figure de parent pauvre, mais l’apport du Centre d’Interprétariat de Liaison (lire cet article) est important pour cette ville démunie. Ses interprètes interviennent au cas par cas à la demande de l’Antenne Juridique et de Médiation; leur prestation est payante, à un taux très réduit. « Lorsqu’un sourd consulte un avocat, la présence éventuelle d’un interprète n’est pas prise en charge par l’Aide Juridictionnelle » précise Marion Depierdon, juriste à l’association Le Verseau, qui déplore le peu d’intérêt du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats en ce qui concerne l’accès au droit pour les sourds. Centre d’Interprétariat et de Liaison de Marseille – Fax: 04 96 12 44 06, Tél/ Minitel: 04 91 48 30 06.

Jacques Vernes, Janvier 2003

Pour compléter votre information, lisez le dossier et le synopsis d’une émission récente de l’Oeil et la Main (France 5), intitulée Petite promenade en correctionnelle.

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