En 1988, une infime minorité des sourds sévères et profonds accédait au baccalauréat et aux enseignements supérieurs : 50 sur une classe d’âge de 750 sourds en France, soit 6.7 %. Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, il faut rappeler qu’une personne déficiente auditive ne reçoit pas le message oral si elle est sourde profonde, ou ne reçoit qu’un message incomplet si elle est sourde moyenne ou sévère. Il faut donc mettre en oeuvre des moyens humains et/ou matériels de manière coordonnée dans l’espace et dans le temps. Ces moyens doivent être évalués en fonction de chaque étudiant et de son cursus, ils peuvent et doivent évoluer en cours d’année. Fréquemment, 5 ou 6 intervenants se relaient pour que la compensation de la surdité soit effective et efficace.
Des associations (URAPEDA et autres) ont mis en place ces dispositifs mobiles complexes, au bénéfice, en 2005/2006, d’environ 400 sourds. L’essentiel du financement reposait sur l’Agefiph, avec parfois un cofinancement Fonds Social Européen et des participations des Universités. En février 2005, le vote de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a provoqué un drôle d’écho ! L’Agefiph, considérant qu’elle devait se recentrer sur l’emploi décide de ne plus financer les aides aux études, la nouvelle loi, par le biais du droit à compensation des conséquences du handicap qu’elle instaure, devant apporter les réponses adaptées. Les protestations multiples, pétitions en ligne, manifestations diverses, nombreuses questions écrites des parlementaires, amenèrent un report de décision en juin 2006, le temps de promulguer les décrets d’application. Ces derniers confirment nos craintes : pour les sourds, la prestation de compensation, en ce qui concerne les aides humaines, se résume à un forfait de 30 heures par mois à un tarif proche du SMIC, et réservé à la vie sociale. Dans le chapitre de la loi consacré à la scolarisation, l’article 20 indique que les établissements d’enseignement supérieur assurent la formation des étudiants handicapés « en mettant en oeuvre les aménagements nécessaires à leur situation dans l’organisation, le déroulement et l’accompagnement de leurs études ». Ce serait donc à l’Education Nationale de payer ! Elle n’en a pas les moyens et le reconnaît…
Le contexte général nous conduit à envisager pour le moins un complément de financement. La Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie, dont la mission est de contribuer au financement de la perte d’autonomie des personnes âgées ou handicapées, pourrait apporter ce complément : nous l’avions sollicitée dès le printemps 2005 en lui adressant un dossier très complet sur le fonctionnement des services d’aides aux études. Parallèlement, nous nous engagions à déposer des dossiers en région pour être reconnus comme services de soutien à l’intégration post baccalauréat puisque les services actuels (SSEFIS) n’interviennent pas après l’âge de 20 ans. Le conseil d’administration de la C.N.S.A a voté une enveloppe. Le Ministère de l’éducation nationale et la C.N.S.A ont passé convention. Finalement, en juin 2006, une réunion de présentation du nouveau dispositif organisée conjointement par le Ministère délégué aux personnes handicapées et le Ministère de l’Education Nationale a été proposée aux différents partenaires : des promesses de non rupture des accompagnements ont été faites, les dispositifs ont été invités à mettre en oeuvre les moyens adaptés.
En cette mi-octobre, où en sommes nous ? La rentrée universitaire est faite, les associations accompagnent les étudiants en effectuant une avance sur leur trésorerie mais le risque de rupture augmente de jour en jour. Les associations ne pourront pas continuer à assurer les accompagnements alors qu’elles n’ont, à ce jour, aucun financement acquis et que du retard dans la mise en oeuvre des dispositifs est d’ores et déjà annoncé. Les « tuyaux » pour les financements n’existeraient pas ? Les Rectorats n’ont pas connaissance des nouvelles modalités ! Le recours aux règles des marchés publics et la procédure d’appel d’offre sont évoqués. Qui serait retenu : le mieux disant, le moins cher ? Par qui, et comment serait évaluée la qualité du service rendu ? Quel délai d’instruction des dossiers ? Et dans l’intervalle, que deviennent les étudiants sourds ?
Nous renouvelons notre proposition : la prescription par la Maison Départementale des Personnes Handicapées d’un service spécialisé adapté pouvant être un élément du plan de compensation, et pour cela il suffit de reconnaître que nos services s’inscrivent bien dans le cadre de l’action sociale et médico-sociale et les financer. Pour cela, faut-il réactiver la mobilisation de 2005/2006 ?
Nicole Gargam, Vice présidente de l’Unapeda, octobre 2006.