Adamo Anthony Sayad a commencé la danse à l’âge de 15 ans, et il l’enseigne depuis une dizaine d’années après une formation de cinq ans « sur le tas ». S’il habite Colmar (Haut-Rhin), ses activités lui font parcourir l’Europe : Allemagne, Angleterre, Suède, Suisse, Lettonie, Estonie, etc. Il intervient sur des spectacles, donne des cours de danse et de théâtre, organise des rencontres avec des associations de sourds pour leur expliquer comment monter un spectacle professionnel en finançant production et artistes : « J’ai débuté en Allemagne avec un groupe germano-canadien. Ils m’ont encouragé, j’avais acquis les bases pour la danse. J’ai créé des CD de musique, écrit des textes, travaillé avec des musiciens entendants ». Il est également metteur en scène, auprès d’enfants, de jeunes, d’adultes, de personnes âgées; pour ces dernières, il enseigne une gymnastique corporelle axée sur les bras et les mains. Avec les adultes, il travaille le chansigne (chant en Langue des Signes Française) et sensibilise à la LSF. Avec les jeunes, il travaille sur une danse Hip Hop de haut niveau : « Je veux montrer la sensibilité, faire s’exprimer et comprendre par la danse. Et proposer également une découverte du monde des sourds, montrer qu’un sourd peut aussi monter sur scène, que derrière le handicap de la surdité se cache une culture d’une telle richesse qu’elle mérite d’être partagée avec les entendants. Tel est l’objectif que je vise ».
Adamo Anthony Sayad se base sur le rythme binaire, puis le corps travaille sur la perception corporelle de la musique : « Je la ressens par les cuisses et le visage, comme un souffle. D’autres la perçoivent par le ventre, la main, les pieds. Il y a beaucoup de sons que je ne comprends pas, parce que je ne sais pas ce qu’est le son d’un violon par exemple. Ma chanson LSF, c’est le rap : je n’entends pas les paroles, mais c’est par le bruit que j’exprime ma langue des signes, avec toujours un peu de décalage sur les chanteurs entendants ».
Adamo Anthony Sayad participe à des battle dance en Allemagne, mais pas en France, où il commence à peine à s’exprimer : « En Suisse, en Lettonie, il y a des stages de formation pour les sourds, des rencontres et des échanges avec les danseurs sourds locaux. J’apporte ce que je sais, pour progresser ensemble ». Il a rencontré lors du festival Clin D’Oeil (organisé annuellement à Reims par Cinésourds) un groupe de sourds lettons, dont le professeur lui a demandé de venir travailler et enseigner en Lettonie : « Dans ce pays, il y a d’extraordinaires danseurs sourds, alors que les Français sont peu intéressés. J’ai voulu montrer ma sensibilité. Les sourds Français, à mon avis, aiment la musique mais ils sont coincés en eux-mêmes, ils ne savent pas ressentir et vivre. C’est un frein à l’autonomie que vivent les enfants, les jeunes, les adultes, ils ne ressentent pas la liberté dans la danse. Alors que l’on peut se produire sur une scène professionnelle, participer à Nouvelle Star ou Star Académy ! ». Récemment, il a rencontré Junior, danseur dont l’une des jambes est atrophiée par la poliomyélite et qui remporta le concours de M6 Incroyable Talent en 2007 : « On a sympathisé, j’ai envie de monter un spectacle avec lui et d’autres artistes handicapés, pour montrer les différences et les possibles ».
Adamo Anthony Sayad a également travaillé avec des personnes en fauteuil roulant : « Je les mets en confiance, en introduisant le signe dans leur expression corporelle. On peut comprendre le mouvement en fauteuil roulant, et si le fauteuil peut être gênant, ce sont les mouvements du corps qui comptent ». Actuellement, il prépare un clip très visuel, pour montrer une pédagogie de danse, et élabore plusieurs stages de chansigne rock, rap, hard-rock. Pour lui, toutes les participations sont possibles : « Junior à une danse au sol exceptionnelle, il peut danser le rap ainsi. Moi, j’ai une danse debout très corporelle, ensemble c’est tout un mélange d’amour ! Ma vraie place est de montrer au public le handicap de l’ouverture, de montrer que je sais danser. Le monde des artistes est basé sur l’échange, pour moi il faut qu’il y ait de l’action et que le monde bouge ! ».
Laurent Lejard, avril 2008.
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