Faute d’études fines, c’est un peu à la louche qu’est estimé le nombre de personnes déficientes auditives : « 10 millions de personnes ont des problèmes d’audition soit 16 % de la population française. Pour 5,4 millions de ces personnes, il y a des répercussions sur la vie quotidienne soit 8,6 % de la population française », selon l’enquête Handicap Santé de 2008 citée par Surdi-Info. C’est parmi eux que la réalisatrice Fanny Germain a trouvé les quatre témoins de son documentaire L’Entre-deux-mondes des devenus sourds. Diffusé sur France 3 Bretagne puis Hauts-de-France en avril dernier, il devrait être prochainement repris sur d’autres antennes régionales et fera l’objet d’une présentation-débat aux Champs Libres, à Rennes, le 25 septembre prochain.
Fanny Germain a suivi dans leurs activités publiques et privées deux femmes et deux hommes, appareillés parfois tardivement, ou qui ont évolué vers l’implantation cochléaire. Telle Gwennola Robin : « Fanny Germain m’a contacté directement, avant le Covid. Je lui ai raconté mon histoire qu’elle a trouvé incroyable. » Parce que l’entrée en malentendance de Gwennola est la conséquence d’un jeu d’enfant et de l’absence de détection post-natale d’une atteinte de l’oreille gauche du fait d’une contamination par la rubéole pendant la grossesse de sa mère. Elle a vécu avec, n’étant que tardivement appareillée, après son entrée dans la vie active en 1999. « A 34 ans, j’ai choisi l’implant cochléaire, exprime-t-elle. Mon choix a été tout à fait justifié parce qu’avec mon appareil je n’entendais pas l’eau couler et les oiseaux chanter. Le choix a été vite fait, une amie m’avait expliqué ce qu’elle avait ressenti. Elle ne pouvait pas téléphoner, et pour communiquer c’était plus difficile avant. »
Gwennola Robin a attendu 5 ans pour implanter sa deuxième oreille : « Je n’avais pas de reste auditif. Ça m’a apporté du confort, de l’autonomie et de l’indépendance. Par exemple avec le téléphone, avant j’avais une voix de sourde. Maintenant je suis plus à l’aise, je bafouille moins, avec encore des malentendus et des prononciations délicates. Parfois, des gens pensent que je suis Allemande ou Bulgare ! »
Force et courage ont construit son chemin : « Rien n’est décidé, on a le choix, face à une famille qui ne comprend pas. » Elle est engagé dans l’associatif, avec Keditu, l’association des malentendants d’Ille-et-Vilaine : « Je suis une personne très empathique, je ne supporte pas que les gens souffrent gratuitement. » De plus, sa connaissance de la Langue des Signes Française lui ouvre également les portes de la communauté des Sourds : « Je parlerai plutôt de culture que de communauté. Il faut faire attention et ne pas plonger dans des clichés, des on-dit. Chacun agit en fonction de son environnement. Un enfant qui naît entendant dans une famille de Sourds qui signent aura comme première langue maternelle la LSF. Un enfant qui naît Sourd dans une famille qui ne connaît pas la LSF mais qui oralise aura tout naturellement une tendance à l’oralisation et les parents souhaiteront qu’il soit appareillé. Les parents peuvent aussi apprendre la langue des signes pour aider au développement psychomoteur de l’enfant. »
Parole, audition, LSF ou silence, Gwennola Robin choisit tout en fonction des circonstances : « Je pratique la LSF, je réponds au téléphone, je vis au milieu de tous. J’utilise la LSF, la voix ou le texte en fonction de ce que je fais… ou de la fatigue. Cette confiance a pris du temps. Je rêve autant en images qu’en paroles ! J’ai fait le choix de ne pas abandonner mais je n’influence personne, je suis très ouverte aux choix de chacun. Mon histoire à moi, je ne sais pas s’il y a des cas similaires, je suis très combattante. Je me bats, je suis aidée, tel le phénix qui renaît de ses cendres. Et j’aspire au bonheur. »
Laurent Lejard, septembre 2022.
Avec le soutien de la Fédération Française de l’Accessibilité