Maison d’édition basée à Paris et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), L’Apprimerie publie pour les jeunes lecteurs des livres illustrés, dont un premier en langue des signes. « C’est la première fois qu’on travaille sur ce sujet, avec la société des Apprimeurs, qui est reliée à L’Apprimerie, précise Julia Cardinale, illustratrice et cheffe de projet. On a participé à des projets européens autour du handicap, dont la surdité, et l’inclusion. » Projets conduits dans le cadre des financements du programme pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport Erasmus+ de l’Union Européenne, dont trois concernent les Sourds : Open Sign propose aux enfants et adolescents des vidéos thématiques en langue des signes internationale, Tour Fr(i)end en faveur de l’inclusion et des possibilités de carrière dans le domaine du tourisme, et Team of Art sur l’accessibilité culturelle. « On a décidé de faire un pont entre les projets Europe et la maison d’édition. Tout est parti d’un projet européen autour de la surdité où on avait réalisé des vidéos avec des interprètes en langue des signes, on s’est dit c’est dommage de s’arrêter là, on aimerait bien créer quelque chose à partir de toutes ces ressources. »
C’est sur la réalisation d’un abécédaire LSF qu’a débouché cette réflexion ; à chaque lettre correspond un mot-signe dessiné et comportant le mouvement des doigts et des mains pour l’exprimer. « Toutes les personnes autour du projet sont entendantes, on ne voulait pas se positionner sur un terrain qu’on ne maîtrisait pas tellement. On a pensé cet abécédaire pour des enfants entendants qui entrent dans l’écriture et la lecture, et l’idée est de les sensibiliser à la langue des signes française, de leur montrer qu’elle existe sous différentes formes. » D’où des mots correspondant à chaque lettre de l’alphabet choisis en fonction d’une approche enfantine, tel Abeille pour A, ou Escargot pour E. Mais le travail se corse pour représenter le X ou le W : « On voulait rester concret. Pour Wapiti, on savait qu’on ne trouverait pas le signe exact, et on a repris celui de cerf qui est assez connu dans les crèches avec la comptine Dans sa maison un grand cerf. » La sélection a été revue et validée par des pratiquants et un interprète sourd.
L’Apprimerie réfléchit à davantage de synergie entre ses réalisations : « On aimerait bien, justement, faire plus le pont avec les projets développés pour l’Europe pour les éditer derrière en travaillant sur la question du handicap et de l’inclusion. » Cela pourrait prendre la forme d’imagiers au format numérique. Originaire de Suisse, Julia Cardinale porte un double regard sur l’édition du livre jeunesse : « C’est intéressant surtout en termes de ce qui est fait pour la promotion de la lecture ; on constate une vraie activité autour du livre, des rencontres avec les auteurs illustrateurs plus fréquentes en France qu’en Suisse. Le nombre de maisons d’édition jeunesse est plus important en France. Concernant la surdité, quand je suis partie de Suisse je ne me posais pas ce genre de question. Mais j’ai pas mal de contacts qui travaillent en crèches et à l’école primaire, et qui me disent qu’il y a un vrai essor avec les premiers signes pour aider les enfants à communiquer et échanger plus tôt, sans se restreindre au langage parlé. Travailler avec la langue des signes est une façon de créer du lien et d’ouvrir plus de possibilités. »
Laurent Lejard, août 2024.
Des Lettres et des Signes, par Julia Cardinale, éditions L’Apprimerie, 16€.
Avec le soutien d‘Acceo-Tadeo