Né en 1963 à Mâcon (Saône-et-Loire), il est rentré « en handicap » deux ans plus tard, après une vaccination contre la variole après laquelle lui a été diagnostiquée la maladie de Little, une variante de paralysie cérébrale. « L’époque n’était pas à la judiciarisation, mais par la suite on ne m’a pas fait les rappels de vaccin. Le lien de cause à effet n’a pas été formellement établi, mais il y a une forte présomption en ce sens. » Il doit à de multiples opérations, rééducation et suivi médical pendant l’enfance d’avoir conservé la marche et la station debout, avec des limitations certes, mais sans la contrainte du fauteuil roulant. « Être handicapé donne une autre vision de la société et de votre entourage, mais comme j’ai perçu rapidement que j’avais un environnement à la fois bienveillant et porteur, je ne peux pas dire que j’ai souffert de ce handicap dans mon enfance. J’ai suivi une scolarité classique, jusqu’au baccalauréat. Après, les universités n’étant pas accessibles, j’ai fait des cours du soir à la Chambre de Commerce et d’Industrie à Mâcon, et aussi par correspondance, ce qui m’a permis de passer des concours administratifs, et dès la réussite j’ai été nommé au Rectorat de Lyon où j’ai travaillé deux ans, puis je suis revenu sur ma terre natale. » Son enfance choyée, entourée, bienveillante, a construit son échelle de valeurs qui fait qu’il apprécie sa vie et sa situation.

Jean-Pierre Mathieu et la judoka déficiente visuelle Sandrine Martinet lors de la cérémonie mâconnaise de félicitations d'octobre 2024 pour sa médaille d'argent en judo lors des Jeux Paralympiques de Paris 2024.

Dès le début de sa carrière mâconnaise, il a été affecté à la Direction départementale de la jeunesse et des sports, ce qui tombait bien : « L’une de mes passions, c’est le sport. Quand on est handicapé, on a toujours des obstacles à franchir, alors quand on a la fibre sportive, la partie n’est jamais gagnée ou perdue d’avance. En m’appuyant sur cette philosophie, j’ai pu réaliser des choses intéressantes dans une administration de mission qui m’apportait de la sécurité ; j’ai travaillé pour le programme Aménagements des rythmes de vie de l’enfant, on découvrait alors que la structure existante n’était pas forcément faite pour l’épanouissement des enfants. Le programme favorisait la mise en place d’activités culturelles, sportives et autres. Ça m’a conduit à mener des actions, et comme je baignais dans le milieu associatif, je suis passé d’un club de pétanque à une association de supporters de foot, j’ai milité à l’Association des Paralysés de France, et arrive en 2003 l’Année européenne des personnes handicapées. On m’a proposé d’organiser un colloque local, et je me suis découvert la fibre de l’action politique, de me dire plutôt que militer dans des associations, il faut franchir le pas. Le maire de l’époque [Jean-Patrick Courtois, Les Républicains], d’ailleurs toujours en fonction, m’a repéré et proposé d’intégrer l’équipe municipale, notamment pour mettre en place la loi du 11 février 2005 sur l’accessibilité, mais pas que cela. Ma conception était de développer une culture du handicap, parce qu’il suscite de la peur et qu’elle repousse, par réflexe animal de l’homme. »

Macon, promenade poétique du quai Lamartine ©Yanous.com

Il s’est appuyé sur le dense tissu associatif local, dans lequel tous les types de handicap sont représentés, pour élaborer des partenariats. « L’esprit, c’est de faire le maximum pour que les personnes handicapées puissent progresser et évoluer de la façon la plus classique possible : nous personnes handicapées, on fait tout comme les autres, mais différemment. Avec ce postulat de départ, on construit autour. » Avec modestie ajoute-t-il, pour avancer, tout simplement, dans un engagement politique de centre-droit au sein d’une ville sociologiquement de centre-gauche qui est pourtant dirigée depuis 24 ans par un maire de droite. « Je sais, de par le handicap, que tout se tient, du fait des convictions politiques de base et du parcours personnel qui fait qu’à un moment donné on a besoin de tout le monde, de marier au mieux toutes les convictions. L’engagement n’exclut pas la tolérance. » A cet égard, il estime que l’échelon municipal s’y prête bien.

Jean-Pierre Mathieu en juillet 2024, lors de la présentation de la nouvelle délégation de service public Transport attribuée à Transdev

Il a fait campagne en 2008 « programme contre programme », avec comme principal adversaire un ancien camarade de classe qui l’aidait, portait son cartable au lycée ! « Tant qu’on ne s’est pas lancé, on a ses représentations, on se dit que ce milieu politique est sans règle, extrêmement dur, violent. Et quand on est dedans, on s’aperçoit que les choses sont différentes. La conviction, il faut l’avoir, c’est tout à fait louable et c’est aussi un moteur. » Mais il insiste sur la volonté du maire de moderniser la ville comme motivation essentielle de son action en faveur des habitants handicapés. Jean-Pierre Mathieu préside également, par délégation du maire, le Centre Communal d’Action Sociale : « Il me fait confiance, et ne me cantonne pas au handicap, trop de gens sont utilisés par effet de casting. »

Flyer du permis citoyen de Mâcon

Mais pour quelles réalisations ? « Ma mission est que tout un chacun puisse, quelle que soit la difficulté, participer aux événements et utiliser les équipements. De par mon expérience, je sais que le transport est crucial. Donc j’ai créé un service de transport accompagné au prix du ticket de bus, géré par le CCAS. Mon mot d’ordre est on ne s’interdit rien! Souvent on pense qu’on peut être accompagné pour aller chez le médecin, à la pharmacie. Mais la vie ce n’est pas ça, c’est pouvoir aller au cinéma, chez le coiffeur. Au début on m’a dit ça va pas intéresser grand monde, mais j’ai pensé au vieillissement de la population. » Ce service, qui ne fonctionne toutefois qu’en journée, a depuis été étendu à l’intercommunalité. Jean-Pierre Mathieu est également fier de la Maison Sport Santé, et du permis citoyen, une aide de 1.000€ à la préparation du permis de conduire en échange de 35 heures d’activité au service de la communauté.

Jean-Pierre Mathieu a été tenté par un échelon supérieur, mais a échoué en 2010 lors de l’élection au Conseil Régional de Bourgogne, placé en 11e position alors que sa liste n’a remporté que 5 sièges. « C’était une très belle expérience, parce que j’ai côtoyé un autre niveau, une autre complexité. En 2021, Jean-Patrick Courtois m’a choisi comme remplaçant au Conseil Départemental de Saône-et-Loire, et me laissera son siège très prochainement. » C’est donc à l’homme politique qui l’a fait entrer dans la carrière que Jean-Pierre Mathieu devra son accession à un mandat départemental : « Pour moi, c’est un bel aboutissement, conclut-il. Il faut être humble, être élu donne des devoirs, parce que les gens comptent sur vous. »

Laurent Lejard, février 2025.

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Un commentaire sur “La philosophie de Jean-Pierre Mathieu

  • Barbin

    Vous connaissez maintenant le parcours humain et politique de Jean Pierre Mathieu. Je connais bien JP. Tout d’abord par son investissement social puis celui du domaine politique, mais depuis plusieurs années à titre de voisin-voisine. JP a toujours le sourire et le mot de bienveillance pour tout à chacun de l’immeuble, cela ne l’empêche pas d’être vigilant à la bonne tenue de celui-ci et d’être un bon partenaire pour le Conseil Syndical. On peut compter sur lui. Merci JP

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