Avertissement : après lecture du texte initial, la maman et le beau-père évoqués dans cet article ont exigé l’anonymat, y compris celui de la jeune adulte sous tutelle, par crainte de représailles.

Depuis la loi du 8 avril 2024, les résidents en établissements médico-sociaux ont le droit de recevoir des visites sans préavis, ce que leurs directions ont parfois du mal à accepter déplore la députée Christine Arrighi dans un courrier du 12 février dernier adressé à la ministre de la Santé : « Le 29 octobre 2024, j’ai posé une question écrite (n°1517) concernant la suppression des restrictions horaires de visite en EHPAD. À ce jour, cette question reste sans réponse officielle de votre part. Or, plusieurs signalements continuent de remonter du terrain, illustrant que de nombreux établissements ne respectent toujours pas ce droit fondamental. » La députée invoque plus particulièrement la situation des « parents d’une personne autiste accueillie en foyer à Meudon, qui se voient refuser des visites spontanées, en violation directe de la loi. Il témoigne de la pratique persistante de certaines directions d’établissement qui imposent des règles arbitraires, telles qu’une obligation de prévenir plusieurs jours à l’avance. »

Courrier de la députée Christine Arrighi à la ministre de la Santé

« On se sent pas libre de la visiter quand on veut, confirme la mère de cette jeune adulte âgée de 28 ans. Quand je vais la voir, je fais un courriel pour prévenir, comme mon compagnon. À mon arrivée je téléphone, ils [le personnel] descendent ma fille [sa chambre est au 3e étage]. Ils nous demandent de prévenir 3 jours avant, la direction procède ainsi. C’est pareil pour les sorties et promenades. » Pourtant, satisfaire la demande de préavis imposé n’est pas une garantie : « Je ne reçois jamais de réponse aux courriels, ajoute-t-elle. Il est arrivé que ma fille ne soit pas là quand on vient, on nous dit qu’elle est en sortie ou dans une activité. »

Le directeur de l’Établissement d’Accueil Médicalisé pour adultes autistes de Meudon-la-Forêt (Hauts-de-Seine), qui demande expressément que son nom ne soit pas mentionné, affirme que le préavis « est une simple recommandation pour faciliter l’organisation du service pour le bien des résidents » et que « la jeune femme reçoit la visite de ses proches presque tous les jours, en tout cas dès que la famille le souhaite. »

APEI de Meudon courrier aux familles du 14 octobre 2024 - extraits

Il est pourtant contredit par le courrier qu’il a lui-même signé et adressé aux parents et tuteurs le 14 octobre dernier : « nous vous remercions de transmettre [à la cheffe de service] les visites et autres rendez-vous médicaux, 3 jours à l’avance afin que nous puissions nous organiser et prévenir le résident. » Au sujet des absences, le directeur de l’EAM invoque la procédure de lecture des courriels : « Il y a parfois des ratés en termes de communication interne. Un courriel est marqué comme lu dès qu’un employé l’ouvre, normalement il doit le transmettre aux étages pour le suivi. » Quant à l’absence de réponse aux courriels adressés par la maman et le beau-père, il la met sur le compte des nombreux messages qu’il reçoit, mais aussi des parents : « Je suis surpris, ils ont mon numéro de téléphone. Les parents participent à la vie de l’établissement, aux réunions, aux évènements. A cette occasion ils rencontrent d’autres familles. » Le directeur conteste l’absence d’information des parents sur les activités de la résidente, et son évolution dans l’établissement alors que son autisme sévère la prive de la parole et de la capacité d’exprimer, affirmant qu’il conserve leurs multiples échanges par courriel et messagerie.

La résidente blessée à la tête et au genou

Confrontés à une communication qu’ils estiment à sens unique, la mère et son compagnon sont légitimement inquiets quand ils voient des traces de coups sur le corps de la jeune femme. Cela d’autant plus qu’ils n’ont pas de relation avec d’autres parents : « On ne se connaît pas, on n’est pas présentés, justifie la maman. Je connais les résidents voisins de ma fille, je ne connais pas leurs familles. » Et elle ne compte pas sur le Conseil de Vie Sociale (CVS) dans lequel siège l’épouse du président de l’APEI de Meudon, association gestionnaire de l’établissement. « Normalement, le CVS doit être indépendant de la présidence et de la direction de l’établissement, poursuit-elle. Ce CVS a pris du temps à se mettre en place, avec une limitation des membres de la famille, sans inclure d’aidants ni les familles recomposées. » Le compagnon pacsé de la mère a ainsi été exclu des candidatures au CVS dont le Règlement n’est pas conforme à la réglementation. « L’APEI exclut les non-tuteurs et réserve la présence au CVS aux seuls parents géniteurs », précise-t-elle. Ce que confirme le directeur : « Monsieur a le droit de postuler au CVS, mais le règlement de l’association donne la priorité aux parents géniteurs ; en l’occurrence il y avait deux candidatures, le papa et le beau-père. » Papa qui vit la plupart du temps à l’étranger.

Cette préférence des géniteurs se retrouve également dans d’autres aspects relationnels, le beau-père ayant le sentiment d’être considéré comme un sous-parent. Lui et sa compagne veulent maintenir les liens avec la jeune adulte autiste, et sont attentifs à ce que son bien-être et ses besoins soient assurés sans pour autant recevoir de l’établissement les informations nécessaires pour l’apprécier. « On nous fait sentir qu’il y a un contrôle, conclut la maman, une manière de contourner la loi sur le droit de visite, et finalement un reproche de maintenir le lien. »

Laurent Lejard, février 2025.

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