La quinzaine de protestataires toulousains de l’organisation Handi-Social qui, à l’automne 2018, avaient bloqué un train pendant moins d’une heure à la gare de Matabiau et parcouru la piste de l’aéroport Toulouse-Blagnac, sont définitivement condamnés. La plus haute juridiction de droit pénal français en a jugé ainsi dans un arrêt du 8 janvier. Pourtant elle rappelle que « la Cour européenne des droits de l’Homme, s’agissant des manifestations pacifiques, considère que la question de la liberté d’expression est difficilement séparable de celle de la liberté de réunion. » Mais elle la conditionne : « Lorsque des manifestants perturbent intentionnellement la vie quotidienne et les activités licites d’autrui, ces perturbations, lorsque leur ampleur dépasse celles qu’implique l’exercice normal de la liberté de réunion pacifique, peuvent être considérées comme des « actes répréhensibles » au sens de la jurisprudence de la Cour. » Ce raisonnement a donc conduit à valider les peines d’amende et de prison avec sursis infligées à la quinzaine de manifestants d’Handi-Social.
La Cour de Cassation vient ainsi de confirmer le droit de manifester à la condition que cela ne gène pas la circulation des personnes et des biens : « Dans le cas particulier d’une poursuite pour entrave à la circulation dans le cadre d’une manifestation pacifique, la proportionnalité de l’ingérence dans la liberté d’expression, interprétée à la lumière de la liberté de réunion, doit être appréciée en prenant en compte divers éléments, tels, notamment, le contexte de la manifestation, le lien direct entre les modalités d’action et l’objet de la contestation, la gravité des faits poursuivis, le comportement des manifestants, l’ampleur des perturbations, les risques et le préjudice causés, le comportement des autorités avant, pendant et après la manifestation, dont les conditions d’une éventuelle interpellation ainsi que les modalités des poursuites. » En clair, la justice apprécie au cas par cas en fonction des faits rapportés par les agents chargés de la répression publique. Les manifestants sont de ce fait placés dans une totale insécurité juridique, dépendants du rapport de police sur lequel s’appuie le Procureur de la République pour les poursuivre. C’est exactement ce qui s’est passé avec les militants d’Handi-Social.
Bien évidemment, cela ne s’applique pas aux manifestations parfois violentes d’agriculteurs manipulés par l’industrie chimique qui veut continuer à leur vendre pesticides et autres produits dangereux pour la santé. Ces manifestants là étaient même couverts, en janvier 2024, par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin : « On ne répond pas à la souffrance en envoyant des CRS », avait-il déclaré sur TF1. Conclusion : les manifestants pacifiques sont punissables en justice alors que des coupeurs de routes, bloqueurs de villes, déverseurs de lisier, brûleurs de pneus, dévastateurs de bureaux administratifs sont à l’abri…
Laurent Lejard, janvier 2025.