Question : Vous préparez avec un député Les Républicains une proposition de loi sur le handicap. Pourquoi faudrait-il, en 2025, une nouvelle loi ?
Sébastien Saint-Pasteur : J’ai rencontré Antoine Vermorel-Marques qui est député de Roanne dans le cadre d’une conférence organisée par le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) sur le sujet : faut-il une nouvelle loi en 2025 ? En gros, est-ce qu’il faut une loi ou une autre initiative, je ne sais pas parce qu’il y a beaucoup de choses qui relèvent du volet réglementaire. Mais beaucoup peuvent être améliorées aujourd’hui par l’accès aux droits des personnes en situation de handicap, et il y a une fenêtre d’opportunité pour la société en général et les élus, qui est celle des 20 ans de la loi de 2005. Notre proposition de loi ne vise pas à être une grande loi, mais une loi à impact positif qui va toucher les sujets comme la barrière d’âge pour la Prestation de Compensation du Handicap, l’opposabilité des Plans Personnalisés de Scolarisation, la Restriction Substantielle et Durable d’Accès à l’Emploi (RSDAE), et probablement réactualiser certains sujets, telle la prise en compte des troubles Dys, des Troubles déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, des Troubles du neurodéveloppement. C’est le combat mené avec Antoine, dans le cadre d’une large consultation avec des acteurs associatifs, investis dans ces sujets.
Question : Cette proposition concernerait essentiellement les handicaps dits invisibles ?
Sébastien Saint-Pasteur : Elle toucherait à tout ce qui concerne la PCH, toujours principalement centrée, même s’il y a eu des évolutions, sur le handicap moteur. Cette distinction n’est pas présente dans notre esprit, sauf que dans la réalité l’immense majorité des situations de handicap sont des handicaps dits invisibles. Si on veut faire avancer la cause pour la plus grande majorité des personnes, forcément on adresse aussi ces sujets.
Question : Vous n’allez visiblement pas sur le terrain de l’accessibilité, qui n’évolue que très lentement depuis la réforme en 2014 de l’accessibilité à tout pour tous…
Sébastien Saint-Pasteur : C’est un sujet qu’on adresse assez peu dans la première esquisse. Ça peut être amendé, amélioré. C’est là où il y a une différence entre le travail parlementaire et le travail militant des associations. Il est tout à fait légitime que l’on demande la réalisation de cet objectif et que les choses avancent plus vite, parce qu’on n’est pas au rendez-vous de l’Histoire sur ce sujet. On a aussi conscience que dans les arbitrages financiers et budgétaires, si on veut pousser plus loin l’accessibilité, ça va être compliqué. On essaie plutôt d’aller vers ce qui peut être financièrement acceptable. Par exemple, des aspects de la progression de l’inclusion scolaire sont davantage de l’ordre de l’organisation que de moyens considérables supplémentaires.
Question : Mais toucher à la RSDAE suppose de modifier les conditions d’attribution de l’Allocation Adulte Handicapé, ne craignez-vous pas d’ouvrir la boîte de Pandore ?
Sébastien Saint-Pasteur : Je questionne par rapport à des cas concrets. J’ai présidé une Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées pendant six ans, j’ai rencontré des centaines de situations. Je trouve anormal que dans l’arbre décisionnel pour l’ouverture d’une RSDAE, un emploi à mi-temps soit un critère pour exclure certaines personnes du bénéfice de l’AAH. Un bénéficiaire qui vit avec un handicap psychique, fatigable, et reçoit une proposition d’emploi de 20 heures par semaine va la refuser parce qu’en dépassant un mi-temps, il va perdre son allocation, c’est contre-productif, même pour les finances publiques. Parce que des personnes vont choisir de rester à l’AAH, plutôt qu’un emploi à 20 heures semaine et une allocation différentielle qui sera pour les finances publiques deux fois moins coûteuse. Est-ce qu’il faut avoir peur d’ouvrir ce sujet ou le courage de le requestionner ? Moi je pense que la RSDAE mérite d’être réinterrogée.
Question : Ce sujet est lié au fonctionnement des Maisons Départementales des Personnes Handicapées et aux disparités territoriales, amenant des personnes à changer de département pour améliorer leurs droits. La loi nationale ne s’applique plus partout de la même manière ?
Sébastien Saint-Pasteur : C’est un vrai sujet, parce que les guides-barèmes de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) sont quand même assez précis. Pourtant, quand vous évaluez une situation à l’instant T, vous avez des paramètres et un historique du dossier qui fait que pour l’ouverture d’un droit sur une AAH, dans des départements il y a des lectures extensives, et dans d’autres plus restrictives. Il faut diminuer ces écarts, faciliter la fluidité de transmission des dossiers et des droits d’une MDPH à l’autre. Ce qui est rageant, c’est qu’à situation égale on n’ait pas la même ouverture de droits. Mais je ne suis pas certain qu’il faille faire un « big bang » sur la départementalisation des MDPH, j’avoue que je n’ai pas forcément de réponses à apporter sur ces disparités-là.
Question : Le président du CNCPH a lancé en octobre 2024 le débat sur l’opportunité d’une nouvelle loi et semble actuellement douter de son utilité. Et lors de l’examen de la loi de 2005, tous les parlementaires de gauche avaient voté contre. Un consensus politique existe-t-il en 2025 autour d’une proposition de loi qui se veut transpartisane ?
Sébastien Saint-Pasteur : Je l’espère. Moi j’ai deux boussoles : l’humilité et l’utilité. Humilité, on est sur des points plutôt techniques, sans vocation à révolutionner la situation à l’échelle de la société française, ce sont des combats que doit porter le mouvement associatif. On est dans une période politique particulière, sans majorité. J’ai la faiblesse ou la naïveté de penser que sur ces sujets, parce qu’un député reçoit dans sa permanence des personnes qui le sollicitent sur les délais, les problématiques d’ouverture de droits, les incompréhensions, si on peut faire oeuvre utile et apporter de propositions, on peut avoir un consensus. Pour en avoir discuté avec différents parlementaires, tout le monde converge. Après, quand il y aura des incidences financières, sur la PCH par exemple, des parlementaires seront plus attentifs aux effets budgétaires qu’à ce que cela peut apporter pour les personnes en situation de handicap. Est-ce qu’on met l’argent avant les gens, c’est dans le cadre du débat et de la discussion qu’on verra comment les positions se déclinent. Ce qu’il faut, ce n’est pas l’unanimité mais au moins une majorité.
Propos recueillis par Laurent Lejard, février 2025.
Linda Gauthier, cofondatrice et actuellement consultante et porte-parole du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ), met en parallèle la situation des personnes handicapées dépendantes au Québec.
Au-delà de la Loi de 2005 et de l’accessibilité universelle, avez-vous entendu parler des coupures drastiques dans les services de soins à domicile pour les personnes en situation de handicap et les aînés au Québec, depuis que le Ministère de la Santé et Services sociaux (MSSS) a donné des pouvoirs de gestion à une nouvelle entité: Santé Québec » et leur a dit qu’ils devaient couper pour 1,5 milliards de dollars dans tous services de ce ministère.
Évidemment, ce qui ne surprend pas, ils ont coupé dans les soins aux plus vulnérables.
Le pire, c’est qu’en ce faisant, bien de ces personnes devront prendre le chemin du CHSLD (Centre hospitalier de soins de longue durée), qui coûtera en moyenne trois fois plus cher pour y héberger une personne aînée ou handicapée OU:
Il y a un autre choix pour certains: L’aide médicale à mourir (AMM) et où le Québec est le champion mondial depuis l’adoption de cette Loi. Nous, au RAPLIQ, on considère que cette Loi est à la limite, eugéniste.
On croit même qu’on n’a pas tant évolué depuis Aktion T4, à la seule différence près que c’est plus hypocrite maintenant, car plutôt que nous gazer, on nous coupe les services qui nous mène droit à demander cette AMM.
Linda Gauthier, Consultante principale, RAPLIQ
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