C’est la tendance, en cette période de célébration du 20e anniversaire de la loi du 11 février 2005 qui a créé un droit individuel à compensation de son handicap. Il donnait ainsi à des milliers de personnes handicapées dépendantes les moyens de payer les aides humaines nécessaires pour mener une vie indépendante. Certes, avec parcimonie, en rémunérant leurs personnels au minimum légal et en conservant à leur charge une partie de la dépense. Les Conseils Départementaux ont hérité du cofinancement (avec la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) de cette Prestation de Compensation du Handicap, quelques-uns améliorant leur prise en charge. C’était le cas de celui du Val d’Oise, jusqu’au 23 décembre dernier : là, il a signifié à la centaine de bénéficiaires employant directement leurs personnels d’aide humaine au domicile la baisse immédiate de 25% de la PCH. Il vient ainsi s’ajouter à la liste de ceux qui ont décidé récemment de maltraiter leurs habitants handicapés : Loire-Atlantique décidant de réduire drastiquement le transport des élèves handicapés, Aisne annulant la reconstruction d’un foyer d’hébergement, Nord supprimant son financement à la parentalité, Deux-Sèvres fermant brutalement un foyer de vie, Manche annulant le cofinancement d’un projet d’établissement.
Dans le Val d’Oise, les résidents handicapés dépendants, employeurs directs de leurs personnels d’aide humaine à domicile, voient leur Prestation de Compensation du Handicap passer de 25,15€ à 18,96€, soit le taux minimal conventionnel de rémunération horaire majoré de 50%. Taux qui ne couvre pas l’ensemble des cotisations sociales, laissant ainsi aux bénéficiaires un reste à charge qui peut atteindre 4.500€ par mois. En année pleine, le Conseil Départemental du Val d’Oise économisera près de cinq millions d’euros, au détriment de la vie quotidienne de ses ressortissants handicapés dépendants. C’est le sort infligé notamment à Marie-Antoinette Blachene Vicaire, quadragénaire vivant avec les séquelles d’une amyotrophie spinale : « Le département a toujours surpayé par rapport à la grille de la CNSA, explique-t-elle. Jusqu’au courrier du 23 décembre 2024. » Une manière particulière de souhaiter un joyeux Noël à sa petite famille…
Le même Conseil Départemental avait déjà, en 2011, chicané les aides humaines de Marie-Antoinette, alors qu’elle vivait l’un des plus beaux moments de sa vie de femme : la naissance et les premiers mois de son unique enfant. On lui contestait son droit de salarier son mari, Sébastien, alors considéré comme aidant familial dédommagé trois fois moins cher qu’un employé. Mari qui, depuis un accident de moto en 2019, ne peut plus travailler pour son épouse qui dispose depuis d’un plan de 732 heures d’aide humaine en emploi direct. Cela pour un coût global légèrement inférieur à ce que paierait le Département à des prestataires au taux horaire de 25,58€, soit 42c de plus que ce qu’il verse en cas d’emploi direct.
C’est donc bien pour espérer récupérer autour de 5 millions d’euros que le Conseil Départemental du Val d’Oise a décidé de « planter » une centaine de particuliers-employeurs handicapés dépendants, sans dialogue ni réponses à leurs angoisses, ce qu’il justifie ainsi : « Au regard de la forte évolution des tarifs horaires de la PCH imposée par l’État sans compensation pour les Départements ces dernières années (+15,3%), auxquelles s’ajoutent les difficultés rencontrées par les Départements en raison de l’instabilité économique et politique de l’État, le Val d’Oise a dû, avec regret, se résoudre à arrêter cette prestation complémentaire et d’appliquer le tarif horaire maximum légal fixé par l’Etat au 1er juin 2024. » A l’en croire, tout serait la faute de l’État qui « ne compense seulement qu’à hauteur de 40% les allocations individuelles de solidarité (RSA, PCH, APA). » Mais quelles actions ce Conseil Départemental a-t-il entreprises pour améliorer ses finances ? Il n’en dit mot et préfère visiblement s’en prendre aux plus vulnérables de ses concitoyens.
Depuis, associations et parlementaires ont saisi la présidente du CD 95, Marie-Christine Cavecchi. Confrontée à une mauvaise publicité, elle a décrété un moratoire de 3 mois pour une partie des victimes, celles dont les aides départementales dépassent mensuellement 3.300€. Durant cette période, ces victimes seront incitées à solliciter des aides complémentaires, dont le crédit d’impôt couvrant 50% du reste à charge… pris sur le budget de l’État. Et le « pôle social de la Maison départementale des Personnes en situation de handicap va rencontrer individuellement les Valdoisiens bénéficiant d’un plan d’aide […] Ces rendez-vous ont pour but de trouver des solutions durables pouvant être mises en place rapidement. » Pour sa part, Marie-Antoinette est confrontée à une situation inextricable : vivant dans un village, elle a fidélisé ses personnels d’aide à domicile rémunérés au-dessus du minimum conventionnel du fait de l’ancienneté, qu’elle pourrait être contrainte de licencier faute de pouvoir payer la totalité de leurs salaires mais sans avoir les moyens de verser les indemnités de licenciement. Devra-t-elle vendre la maison familiale et aller vivre en établissement, aux frais exclusifs du département du Val d’Oise, séparée de son mari et de son fils, victime des errements de la présidence du Conseil Départemental ?
Laurent Lejard, février 2025.
Il est urgent de mettre en lumière les effets de la gestion par la droite des questions de solidarité.
Il est toutefois dommage que cet article ne mentionne pas le soutien apporté par les députés Insoumis du département, ainsi que par les militants NFP de la première circonscription du Val d’Oise.
En plus du communiqué du Nouveau Front Populaire valdoisien, plusieurs courriers de protestation et soutien ont été adressés à la présidente du Conseil Départemental du Val d’Oise, signés des coprésidents du groupe de gauche, socialiste et écologiste Cédric Sabouret et Nicolas Bougeard, des députés socialistes Emmanuel Maurel (3e circonscription), Ayda Hadizadeh (2e circonscription) et Romain Eskenazi (7e circonscription), du sénateur apparenté communiste Pierre Barros, cosigné par l’APF France France Handicap, AFM Téléthon et Unapei.