I – Sur les faits

Monsieur et Madame X ont un enfant qui présente un handicap et pratique le cheval dans un centre équestre. Il aime également le football et, là encore, il ira à des séances de football adapté. Inutile de préciser que ce sont ses parents qui l’y emmènent. Il se rend également à un centre d’ergothérapie et dans un cabinet de neuropsychologie. Le nombre de kilomètres parcourus par les deux parents est évidemment important, mois par mois et année après année.

C’est pourquoi, la maison départementale des personnes handicapées accorde le bénéfice de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) d’un montant de 32€ mensuels en raison des trajets de ses parents.

II – Sur les principes légaux et jurisprudentiels de la prise en charge du surcoût des transports engendres par un handicap

Le droit à la prise en charge du surcoût des transports engendrés par une personne handicapée est encadré par plusieurs dispositions légales et décisions jurisprudentielles.

Selon l’article R322-10 du Code de la sécurité sociale, les frais de transport de l’assuré ou de l’ayant droit sont pris en charge lorsqu’ils se trouvent dans l’obligation de se déplacer pour recevoir des soins ou subir des examens appropriés à leur état, notamment pour les malades reconnus atteints d’une affection de longue durée. De plus, l’article L871-1 du Code de la sécurité sociale dispose que les opérations d’assurance ne couvrent pas la participation forfaitaire et la franchise, mais peuvent inclure la prise en charge totale ou partielle de la participation de l’assuré aux tarifs servant de base au calcul des prestations de l’assurance maladie.

La jurisprudence a également précisé les conditions de prise en charge des surcoûts liés aux transports. Par exemple, la Cour d’appel de Riom a reconnu dans un arrêt du 8 septembre 2009 que la PCH peut être affectée à des charges liées à l’aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée, ainsi qu’à d’éventuels surcoûts résultant de son transport. De même, la Cour d’appel de Versailles a rejeté le 8 décembre 2022 la demande de prise en charge de dépenses exceptionnelles liées aux loisirs, mais a reconnu la nécessité de démontrer le surcoût du transport ordinaire du fait du handicap.

III – Sur la procédure

La Maison Départementale des Personnes Handicapées du Finistère prévoit la prise en charge du surcoût du transport d’un enfant atteint d’un handicap. C’est dans ces conditions que les parents du jeune X vont solliciter le 4 janvier 2024 la prise en charge des trajets de 16 km réalisés en véhicule personnel par ses parents, une fois par semaine pour se rendre à des séances de football adapté. Par courrier du 22 janvier 2024 la mère du jeune X va exercer un recours administratif préalable obligatoire car la prise en charge du surcoût de transport pour l’accompagner à la médiation équine et au centre de neuropsychologie et d’ergothérapie est refusée par la MDPH.

Par décision du 17 mai 2024, la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a confirmé la seule prise en charge du surcoût transport vers les séances de foot adapté. La mère va solliciter la prise en charge du surcoût lié au transport des deux autres activités pour la période du 1er avril 2023 au 31 mars 2033 pour un montant de 10.000€ soit 83,33€ de montant mensuel maximum attribuable au tarif de 0,50€ par kilomètre en véhicule personnel. La MDPH va soutenir que son recours n’est pas valable car l’autorité parentale conjointe impliquait que les deux parents soient à l’origine des demandes nécessaires pour l’éducation et le bien-être du jeune X.

Le pôle social du Tribunal Judiciaire de Brest (Finistère) fera droit à sa demande car la MDPH n’a pas prévu la prise en charge de trajets notamment pour les déplacements liés aux charges paramédicales comme les séances d’ergothérapie.

IV – Sur la portée du jugement

Il est clairement indiqué par le pôle social du Tribunal Judiciaire de Brest que peu importe ce que la MDPH de Brest a décidé de prendre en charge, pourvu que le surcoût de transport soit avéré. La jurisprudence est d’ailleurs de stricte application.

Pour démontrer le surcoût du transport ordinaire du fait du handicap et avoir droit à la prise en charge, plusieurs critères doivent être remplis selon la législation et la jurisprudence :

  • La loi dispose que les frais de transport sont pris en charge sur prescription médicale, établie conformément aux articles L. 162-4-1 et L. 162-5-15 du Code de la sécurité sociale ;
  • La prescription doit préciser le mode de transport le plus adapté à l’état du patient et si cet état est incompatible avec un transport partagé ;
  • Les frais de transport sont pris en charge sur la base du trajet le moins onéreux, compte tenu des conditions de transport et du nombre de patients transportés ;
  • La jurisprudence a précisé que pour obtenir la prise en charge du surcoût du transport lié au handicap, il est nécessaire de rapporter la preuve du coût du transport ordinaire et de déterminer le surcoût du fait du handicap.

Par exemple, dans l’affaire Mme [M] citée plus haut, la Cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement en précisant que Mme [M] ne justifiait pas d’un surcoût de transport lié exclusivement à son handicap, car elle ne pouvait prouver ni être titulaire d’un permis de conduire ni propriétaire d’un véhicule, et ses déplacements étaient uniquement déclaratifs.

En revanche, la Cour d’appel de Rennes a accordé le 8 février 2023 la prestation de compensation du handicap pour le surcoût de transport à Mme [G], en sa qualité de tutrice de son fils, en raison du nombre de kilomètres réels parcourus, bien supérieur à 166 par mois, directement induits par le lourd handicap de son fils.

En conclusion, pour démontrer le surcoût du transport ordinaire du fait du handicap et avoir droit à la prise en charge, il est essentiel de fournir une preuve concrète du coût du transport ordinaire et du surcoût lié au handicap, souvent par le biais de justificatifs de déplacements et de prescriptions médicales. La jurisprudence montre donc bien que la démonstration du lien direct entre le handicap et le surcoût est cruciale pour obtenir la prise en charge.

Quand la Cour de cassation se prononcera-t-elle ?

Laurence Martinet-Longeanie, avocate au barreau de Paris et juge médiateur auprès de la Cour Internationale de Médiation et d’Arbitrage (Cimeda), mars 2025.

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