L’Irlande, dont nous avons présenté quelques aspects en 2008, 2010 et 2012, compte parmi les destinations favorites des Français. Ce succès, qu’elle rencontre d’ailleurs auprès de la plupart des touristes occidentaux, elle le doit bien sûr à la beauté de ses paysages et à la richesse de son patrimoine, mais également à la sympathie de ses habitants, réputation qui n’est pas usurpée, et à la qualité de l’accueil que ceux-ci réservent à leurs visiteurs. Certes, des progrès restent à accomplir côté accessibilité, notamment aux personnes déficientes sensorielles, mais rien de rédhibitoire : où que vous vous rendiez, quel que soit votre handicap, il se trouvera toujours quelqu’un pour vous venir en aide avec le sourire !
La cité historique de Kilkenny est l’un des endroits préférés des Irlandais : assez paradoxalement, elle est assez ignorée des touristes étrangers. La déambulation en centre-ville y est pourtant des plus agréables, où les vieux immeubles de style médiéval et les jolies façades peintes contribuent à créer une atmosphère à la fois authentique et mystérieuse, surtout le soir. Les pubs y abondent, dans lesquels on peut notamment déguster la spécialité vedette de l’endroit : une bière élaborée sur place (mais désormais produite à Dublin) par le brasseur Smithwick’s (on prononce Smitiks) et exportée sous le nom de Kilkenny. La brasserie, l’une des plus anciennes du pays, est située en bordure de centre-ancien à l’emplacement d’un monastère franciscain. Elle se visite en pleine accessibilité, avec des audioguides en français, sur un parcours muséographique ultramoderne qui retrace l’histoire pluriséculaire du divin breuvage et de ses instigateurs avant d’en expliciter la fabrication; une dégustation clôt évidemment la visite…
Les amateurs de vieilles pierres seront partiellement comblés en se rendant au château de Kilkenny : partiellement car seul le rez-de-chaussée de cette antique et importante demeure aux murs austères mais aux très riches intérieurs est accessible en fauteuil roulant. Où l’on découvre l’histoire de la fameuse lignée des Butler dont l’un des représentants fut vice-roi d’Irlande à l’époque de l’occupation anglaise. Légué à la ville par le dernier héritier, l’endroit et ses jardins ont fait l’objet d’une longue campagne de restauration qui leur a rendu leur lustre d’antan… mais pas d’ascenseur ! Ne manquez pas, de l’autre côté de la rue, les échoppes d’artisanat local et de design installées dans de spectaculaires écuries en arc de cercle : des rampes sont déployées sur demande pour vous permettre d’y accéder afin d’y faire du shopping (articles en laine notamment) ou vous restaurer. Autre édifice vénérable, accessible de plain-pied mais au prix d’une forte pente (stationnement possible en haut de côte), la cathédrale Saint-Canice, du nom de son fondateur, est un joyau de l’art gothique primitif. Elle est désormais vouée au culte anglican mais sa visite n’en est pas moins passionnante, surtout quand on s’attache aux nombreux tombeaux qui ponctuent sa vaste nef, occasion de découvrir, outre les seigneurs du lieu, quelques personnalités atypiques, dont un philanthrope né sans membres, et une sorcière ! L’impressionnante tour ronde attenante est en revanche inaccessible.
À une vingtaine de kilomètres de Kilkenny, l’abbaye cistercienne de Jerpoint déploie ses ruines romantiques sur le ciel changeant (un bonheur de photographe !). Fermée au XVIe siècle après la dissolution des monastères ordonnée par Henry VIII, propriété de la famille Butler, elle s’est progressivement dégradée mais ce qu’il en subsiste est assez spectaculaire pour valoir le détour, y compris en fauteuil roulant, si l’on s’accommode des graviers… Un feuillet de visite est disponible en français mais préférez-lui la visite guidée si vous parlez anglais, elle est réellement intéressante et permet d’admirer des détails d’architecture devant lesquels, sans cela, on ne s’arrêterait pas, par exemple les mystérieuses sculptures qui ornent les colonnes géminées du cloître. Stationnement réservé au plus près de l’entrée, toilettes adaptées.
Plus au sud, en direction de la côte, Waterford permet également de remonter le temps, jusqu’à la période viking. Fondée au Xe siècle à l’embouchure de la Suir par ces intrépides navigateurs, c’est la plus ancienne ville d’Irlande. En témoignent la reconstitution d’un drakkar près d’une tour des anciens remparts, et les collections que renferment les très riches musées « des Trésors« . Le bâtiment le plus récent de cet ensemble muséal, pleinement accessible, retrace l’histoire mouvementée de cette partie de l’Irlande avec quelques pièces emblématiques dont d’extraordinaires parchemins médiévaux ainsi qu’une collection de chasubles brodées d’or. Dans le même quartier se trouve l’atelier-boutique ultramoderne des cristalleries de Waterford, célèbres surtout dans les pays anglo-saxons, dont les origines remontent au XVIIIe siècle et qui ont survécu après bien des vicissitudes… La production est désormais majoritairement réalisée en dehors de la ville (voire du pays) mais, outre une étincelante boutique accessible de plain-pied, on peut découvrir ici une chaîne de fabrication unique en son genre, accessible par élévateurs, où l’on suit pour ainsi dire l’objet en cristal de la fusion à la finition en passant par toutes les étapes de la taille : fascinant ! Le reste de la ville, très animé, est d’autant plus agréable à parcourir que les zones piétonnières ne manquent pas et que la voirie est pourvue de nombreux stationnements réservés, abaissés de trottoir, bandes podotactiles et feux sonores.
La route côtière qui mène à l’embouchure (on peut emprunter un bac pour aller plus vite) musarde à travers la campagne, au gré de pittoresques villages de pêcheurs, pour atteindre la bien-nommée pointe de Hook et son phare, le plus ancien au monde encore en activité. La visite, en fauteuil roulant, se limite au petit musée aménagé sur place ainsi qu’au café (le phare lui-même est inaccessible en dehors du rez-de-chaussée) mais le site en lui-même est à ce point majestueux que l’on oublie ce désagrément en contemplant l’océan se briser sur les rochers noirs, quand la mer est agitée et le ciel digne du pinceau d’un peintre… Plus prosaïquement mais non moins pourvoyeurs de plaisir, les fish and chips de la région sont réputés les meilleurs d’Irlande : profitez-en !
En remontant la côte vers le nord, Wexford est un port charmant également fondé par les Vikings. C’est aussi l’un des berceaux historiques de l’indépendance irlandaise, notamment lors de la rébellion de 1798, inspirée par la Révolution française, contre l’autorité britannique : une histoire encore très présente au coeur des Irlandais dont beaucoup considèrent qu’elle n’est pas encore achevée, et qu’une statue de bronze rappelle dans le centre-ancien. Lequel, parfois pentu et pavé en dehors de la large promenade de bord de mer, ne manque pas d’intérêt avec ses bâtiments historiques, ses boutiques pimpantes et ses remparts préservés. Une autre statue de bronze, moins sujette à polémiques que la précédente, illustre l’un des sports nationaux très pratiqué ici, le hurling, mélange assez violent de football et de hockey sur gazon. Côté culturel, la cité est mondialement célèbre auprès des amateurs d’art lyrique pour le prestigieux festival qui se tient chaque automne depuis 1951 dans son opéra, récemment refait à neuf : les lieux sont accessibles mais les places (très) limitées ! Le reste de l’année, la salle propose des spectacles davantage axés grand public, où il est plus facile d’obtenir des tickets.
En périphérie de Wexford, l’Irish National Heritage Park (INHP) recrée, en grandeur et matériaux authentiques, le décor de l’histoire irlandaise depuis la préhistoire jusqu’au début de l’ère chrétienne. Huttes préhistoriques, village celte fortifié, campement lacustre viking, monastère : les restitutions d’habitats sont à ce point fidèles, mobilier compris, que l’on s’attendrait presque à y croiser les hôtes de ces différentes époques ! L’accès se fait de plain-pied, hormis quelques pentes et seuils qui nécessitent une aide. Des audioguides sont disponibles en plusieurs langues dont le français (idem pour le film introductif) mais, à l’instar d’autres lieux, il peut être plus agréable et instructif de suivre la visite guidée quand on comprend l’anglais. Stationnement réservé sur le parking, restauration possible sur place.
Les amateurs d’authenticité historique trouveront matière à élever leur âme à Glendalough, dans le comté de Wicklow, au sud de Dublin. Là, au milieu d’une sublime vallée parfaitement préservée, se dresse un très ancien monastère fondé au VIe siècle par saint Kévin. Ses lacs, ses ruines paisibles et ses sentiers de promenade en font un lieu très prisé des Irlandais qui en apprécient et en respectent la quiétude. Si la cité monastique elle-même est difficilement accessible en fauteuil roulant (marches, passages étroits et cahoteux) le bâtiment d’accueil et sa muséographie sont pleinement adaptés, de même que le sentier bas du site (platelage) qui court en bord de lac; une aide reste toutefois requise pour certains passages. Deux parkings sont disponibles à chaque extrémité, avec emplacements réservés, mais il serait dommage de se priver d’une aussi belle balade…
En périphérie sud de Dublin, le domaine de Powerscourt forme un vaste ensemble comprenant parc, jardins et demeure seigneuriale, auquel ses propriétaires actuels ont ajouté un parcours de golf, un hôtel de luxe, une boutique d’artisanat local, un café-restaurant, une jardinerie et divers autres équipements propres à retenir ses hôtes ! Et il y a matière : petits et grands s’émerveillent devant les maisons de poupées et les jouets exposés au musée installé à l’étage de la maison, avant de s’égailler dans les jardins. Lesquels, d’inspiration française pour le parterre et anglaise pour les allées, sont un enchantement autant visuel qu’olfactif. Les visiteurs en fauteuil roulant ne pourront pas descendre dans le vallon mais ils ne perdront rien de la magie des lieux. Ne manquez pas l’émouvant cimetière dédié aux animaux familiers de la maison, du temps de sa splendeur (aux XVIIIe et XIXe siècles), avec une vue très poétique sur les montagnes de Wicklow. Et puis l’enclos aux fleurs, la roseraie… Une Irlande non plus seulement verte mais multicolore : celle des Irlandais !
Jacques Vernes, novembre 2016.
Sur le web, le site-ressource Accessible Ireland ne semble plus mis à jour avec autant de régularité que par le passé mais il demeure une source précieuse de renseignements (en anglais) sur l’accessibilité dans tout le pays. Consultez également cette page sur le site officiel du tourisme irlandais, qui offre par ailleurs (en français) une mine d’informations très utiles pour préparer un séjour en toute confiance.